18.08.2016
Cette page est consacrée aux étapes récentes du débat entre droit interne et droit international, et, par extension, aux relations entre démocratie directe et droits humains reconnus internationalement. Des articles de humanrights.ch informent sur chacune de ces étapes.
L’après-guerre
Depuis la fondation de l’Organisation des nations Unies (ONU), il existe en Suisse une tradition d’isolationnisme, qui s’est confirmée également par rapport à la défense internationale des droits humains. Jon Fanzun a fait le récit détaillé de ce point d’Histoire, situé entre 1945 et 1982 :
- Politique suisse des droits humains depuis 1945
Article en allemand humanrights.ch, septembre 2006
Attaque blocherienne
Lors de son mandat au Conseil fédéral, Christoph Blocher a réactivé cette tradition de rejet et de méfiance vis-à-vis du droit humain international. Sa polémique contre «les professeurs du droit international» du 1er août 2007 a aussi bien servi les débats politiques immédiats (durcissement des lois sur l’asile et sur les étrangers), que des objectifs de propagande à long terme.
- Ministre suisse de la justice et droits humains internationaux
Article humanrights.ch, novembre 2007
Initiative sur l’internement à vie
En 2003, le peuple suisse a accepté en référendum l’initiative sur l’internement. Cette initiative va pourtant contre la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui prévoit l’examen régulier du statut des personnes internées. La mise en œuvre de l’initiative sur l’internement a également donné lieu à discussion, avec pour résultat des dispositions qui ne respectent de manière satisfaisante ni la Constitution ni la CEDH. L'initiative populaire pour l'internement à vie a de très fortes chances de rester lettre morte, car selon le Tribunal fédéral «seul celui qui est véritablement inaccessible à un traitement sa vie peut être interné à vie» (ATF 140 IV 1).
- Mise en œuvre de l’initiative sur l’internement à vie
Article humanrights.ch, 19 décembre 2013
Initiative contre les minarets
Le 29 novembre 2009, l’initiative contre la construction des minarets a été acceptée par le peuple suisse, ceci alors même qu’il avait été clairement établi avant la votation qu’une telle interdiction violait le droit fondamental à la liberté de religion ainsi qu'à l’interdiction de discriminer.
- L’initiative interdisant les minarets est contraire aux droits humains
Article humanrights.ch, 11 décembre 2009 - Interdiction des minarets : Strasbourg ne jugera pas
Article humanrights.ch, 25 juillet 2011
Initiative pour le renvoi des étrangers criminels
L’initiative lancée par l’UDC à l’automne 2007 a été l’occasion d’un important succès électoral. Le 28 novembre 2010, l'initiative pour le renvoi des étrangers criminels a été acceptée par le peuple suisse. Là encore pourtant, le projet avait été largement critiqué. Les spécialistes affirment en effet que l’initiative est impossible à mettre en œuvre, puisqu’elle contrevient au principe de non-refoulement, et donc à une règle impérative du droit international. Dans l'ATF 139 I 16 du 12 octobre 2012, le Tribunal fédéral a en effet décidé qu'il doit procéder à un examen de la proportionnalité du cas d'espèce et qu'un automatisme d'expulsion ne peut dès lors pas être mis en œuvre.
Cependant, l'UDC a lancé une deuxième initiative dite «de mise en œuvre» qui veut appliquer à la lettre l'initiative sur le renvoi, c’est-à-dire de façon incompatible avec le droit international des droits humains. Cette pression faite par l'UDC a porté ses fruits dans un premier temps, car le Conseil national a accepté en mars 2014 une mise en œuvre rigoureuse de l'initiative sur le renvoi. Le Conseil des États a cependant refusé de céder et a décidé lors de la session d’hiver 2014 d’introduire une clause de rigueur dans le projet. Le National a par la suite appuyé cette décision. Toutefois, l’UDC a insisté sur la nécessité d’organiser un vote populaire au lieu de retirer cette initiative dite «de mise en œuvre». La campagne référendaire a cependant connu une mobilisation inattendue contre cet objet soumis au peuple, et ce même dans la plupart des groupes politiques.
Le 28 février 2016, l’initiative de mise en œuvre a finalement été rejetée par le peuple avec une nette majorité de 58,9%.
- Le rejet clair de l’initiative de mise en œuvre est un oui à l’État de droit
Article humanrights.ch, 7 mars 2016 - Initiative sur le renvoi: il y aura une clause de rigueur
Article humanrights.ch, 16 mars 2015 - Décisions de renvoi: le TF reconnaît la primauté des droits humains et des libertés fondamentales
Article humanrights.ch, 1er mars 2013 - Initiative sur le renvoi: le National se moque de l'Etat de droit
Article humanrights.ch, 24 mars 2014
Initiative sur la pédophilie
Le 18 mai 2014, les votants ont accepté à 63.5 % l'initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants». L'initiative fait prévaloir une interdiction automatique d’exercer une profession et contrevient dès lors au principe de proportionnalité, fondement de l’État de droit (art. 5 Cst.). La conseillère fédérale en charge du Département de justice et police a d'ores et déjà indiqué qu'elle sera impossible à mettre en oeuvre sans violer la Constitution.
- Pédophilie: les votants disent oui à une initiative superflue et non respectueuse de l’État de droit
Article humanrights.ch, 19 mai 2014
Clarifications du Parlement et du Conseil fédéral
La collision entre initiatives populaires et dispositions internationales en matière de droits humains et un sujet difficile. En 2007, la Commission des affaires juridiques (CAJ) du Conseil des Etats a soumis un postulat au Conseil fédéral afin d’obtenir des éclaircissements en la matière. Le Conseil national a soutenu cette demande lors de sa session de mars 2009. Le Conseil fédéral a ainsi présenté un premier rapport en mars 2010 puis un rapport additionnel en mars 2011.
Le 15 mars 2013, le Conseil fédéral a finalement soumis deux propositions à consultation. Premièrement, il s’agit d’instaurer un examen préalable des initiatives, qui aurait lieu avant la récolte des signatures. Deuxièmement, le Parlement devrait pouvoir déclarer nulles les initiatives qui violent l’essence des droits fondamentaux.
- Echec des mesures pour améliorer la compatibilité entre droit international et droit d’initiative
Article humanrights.ch, 2 juillet 2013 - Pour une meilleure compatibilité entre initiatives populaires et droit international
Communiqué du Conseil fédéral, 15 mars 2013 - Initiatives contraires au droit international: le Conseil fédéral propose ses pistes
Article humanrights.ch, 5 avril 2011 - Le Parlement veut réglementer les initiatives populaires
Article humanrights.ch 2 mars 2012
Contribution de la société civile
La société civile est également impliquée dans la recherche de solutions afin de mieux accorder le droit international et la démocratie directe. Plusieurs idées de réformes ont été discutées notamment dans le cadres des «Journées de Soleure». Lors des ces journéées, le Forum pour les Droit Humains et la Démocratie Directe (FMD) a tenté de donner au débat une visibilité publique plus importante. Force est de constater que cet objectif n'est à ce jour pas encore atteint.
- Assemblée de Soleure: idées pour réformer le droit d’initiative
Article humanrights.ch, 13 octobre 2010
Campagne contre la Cour européenne des droits de l’homme
Il est aujourd’hui clair qu’une application à la lettre des initiatives sur l’internement, les minarets et le renvoi des étrangers criminels a toutes les chances d’entrer en conflit avec les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution fédérale et avec les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Par calcul politique, l’UDC cherche à puiser dans ce conflit un certain capital sympathie. Toujours plus, le parti fait de la Convention et de la Cour européenne les nouveaux ennemis désignés de la Suisse et suit en ceci ce que Christophe Blocher avait déjà annoncé en 2007. En 2013, ce débat a encore gagné du terrain et pris une ampleur politique avec une campagne dont le slogan n’est autre que «Le droit suisse avant le droit international et étranger». Campagne qui s’est muée en une initiative populaire début 2015. Le 12 août 2016, l’UDC a finalement déposé son initiative populaire intitulée «Le droit suisse au lieu de juges étrangers» auprès de la Chancellerie fédérale à Berne.
Cette initiative a suscité une levée de boucliers au sein de la société. Les partis politiques et les ONG font front contre cette attaque drastique contre les droits humains. L’association «Dialogue CEDH», crée fin 2014, coordonne une campagne d’information sur la Convention européenne des droits de l’homme et l’importante protection qu’elle offre personnes qui vivent en Suisse. «Facteur de protection D – les droits humains nous protègent» contre également dans les médias les différentes polémiques lancées par l’UDC et donne plus de visibilité au travail de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, une étude de Walter Kälin et Stefan Schlegel démontre que la Suisse n'a que deux possibilités: Ou elle rétablit la pleine force obligatoire de la CEDH, ou elle quitte le Conseil de l’Europe tôt ou tard complètement. Il n’existe pas de solutions intermédiaire.
- L’initiative anti-droits humains de l’UDC a été officiellement déposée
Article humanrights.ch, 12 août 2016 - Levée de boucliers contre l’initiative UDC «pour la primauté du droit suisse»
Article humanrights.ch, 11 mars 2015 - Les conséquences politiques de la polémique de l’UDC contre Strasbourg
Article humanrights.ch, 12 novembre 2013 - Non à une Convention européenne des droits de l’homme à la carte
Article humanrights.ch, 15 mai 2014 - La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) et la Suisse
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