08.07.2024
La violence à l’égard des femmes et des filles peut prendre diverses formes. Elle comprend notamment les violences physiques, mentales et sexuelles, ainsi que le harcèlement sexuel. La violence fondée sur le genre est une thématique extrêmement importante pour les droits humains, puisqu’elle est l’un des principaux mécanismes sociaux visant à subordonner les femmes aux hommes et à les empêcher d’exercer leurs droits fondamentaux.
Pendant longtemps, la violence à l’égard des femmes n’était pas perçue comme une problématique relevant des droits humains. Les femmes étaient traditionnellement reléguées à la sphère privée, tout comme leurs besoins spécifiques. Les violences qu’elles subissaient se retrouvaient par conséquent considérées comme une affaire privée qui ne relevait pas du ressort de l’État. Derrière ce schéma de pensée se cache une conception des droits humains basée sur une représentation stéréotypée des hommes et de la virilité: les violences basées sur le genre ne touchant que peu les hommes, elles ont été invisibilisées et n’ont pas été considérées comme des atteintes aux droits humains.
Le fait que la violence envers les femmes soit toujours omniprésente résulte d’une inégalité structurelle entre les genres qui se perpétue aujourd’hui encore. Bien que la troisième conférence mondiale sur les femmes organisée en 1985 ait déjà permis de constater que la violence à l’égard des femmes constituait un obstacle à l’égalité, au développement et à la paix, il a fallu attendre 1993, année de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, pour qu’elle soit considérée comme une violation des droits humains.
Types de violence
La violence à l’égard des femmes se résume souvent à la violence domestique dans l’imaginaire collectif, alors qu’elle s’exerce pourtant dans d’autres cadres que celui du foyer et n’est pas uniquement le fait des membres de la famille. Il est de ce fait important de bien différencier les deux termes, qui ne sont pas synonymes.
La Déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes définit la violence à l’égard des femmes comme tout acte «de violence dirigé contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté». En résumé, une violence est dite «à l’égard des femmes» dès lors qu’elle cible des femmes uniquement à cause de leur genre ou lorsque ce sont majoritairement des femmes qui en sont victimes. Cette définition n’opère aucune distinction entre les violences basées sur le genre dans l’espace public et celles ayant lieu dans la sphère privée. En revanche, elle reconnaît plusieurs catégories, à savoir la violence physique, mentale, économique, sociale, sociétale, et systémique. Le dénominateur commun de tous ces types de violence est le fait d’être fondés sur le genre.
Ces dernières années, le grand public a peu à peu pris conscience de l’ampleur des violences domestiques, et la Suisse ne fait pas exception: les femmes et les filles sont toujours confrontées aux mariages forcés, à la traite des êtres humains et aux mutilations génitales. La violence à l’encontre des femmes s’exerce aussi dans d’autres domaines, par exemple lors du traitement des procédures d’asile. Il ne faut pas non plus oublier les violences sexuelles (dans le cadre conjugal ou non), les violences gynécologiques et les violences carcérales, extrêmement néfastes pour la société dans son ensemble. Différents organes onusiens ont enjoint à plusieurs reprises à la Suisse de prendre des mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Un changement sociétal
Ces dernières années, de plus en plus d’acteurs de la société civile ont élevé la voix, revendiquant une meilleure protection des femmes face aux violences basées sur le genre. Ce mouvement puise ses racines dans les nombreux scandales et la thématisation croissante des différentes formes de violence faites aux femmes dans le débat public.
C’est dans ce contexte qu’éclate l’affaire Weinstein, engendrant une vague de protestation sans précédent sur les réseaux sociaux. Des personnes du monde entier -en grande majorité de femmes - livrent les agressions sexistes et sexuelles qu’elles ont vécues, donnant naissance au mouvement #MeToo. Grâce à ce hashtag, cette thématique occupe soudain le débat médiatique suisse et international, qui accorde une attention particulière à la violence sexuelle à l’encontre des femmes. Si le mouvement n’a certes pas eu une incidence directe sur la politique, il a grandement contribué à ce que la lutte contre les violences sexuelles envers les femmes figure dans l’agenda politique.
Une transformation s’opère aussi dans le discours autour des violences sexistes et sexuelles. Les demandes se multiplient pour que s’impose un changement de paradigme dans les textes législatifs: un rapport sexuel ne peut avoir lieu qu’avec le consentement de toutes les personnes impliquées («quand c’est pas oui, c’est non»). Décidés à inscrire ce principe dans les textes législatifs, une multitude d’acteurs issus de la société civile ont lancé un appel pour une révision du droit pénal sexuel exigeant que tout fait sexuel non consenti soit sanctionné de manière adéquate. La situation juridique de la Suisse à ce moment-là n’était en effet pas conforme aux engagements qu’elle a contractés en ratifiant la Convention d’Istanbul. Après des débats parlementaires houleux, une révision du droit en matière sexuelle a été adoptée en juin 2023.
De même, la question de la violence domestique exercée sur des femmes a largement gagné en importance dans l’espace médiatique. Le mouvement contestataire «#NiUnaMenos» («Pas Une de moins») né en Argentine s’est diffusé dans le monde entier, permettant notamment de sensibiliser l’opinion publique suisse aux violences sexistes et aux féminicides. La plateforme StopFemizid recense depuis 2020 les féminicides et les tentatives de féminicides en Suisse. L’Office fédéral de la statistique et le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) mènent quant à eux pour la première fois une enquête supplémentaire s’étalant sur cinq ans (2019-2024), dont le but est de «bénéficier d’informations approfondies sur les conditions de vie des victimes et des auteurs, de même que sur les circonstances, les motifs et les causes des homicides». Les associations féministes réclament depuis longtemps qu’une enquête mette en évidence les motifs des meurtres de femmes, car elles disposeraient ainsi de la preuve que les victimes sont tuées uniquement en raison de leur genre, réel ou présumé. Les féminicides ne constituent toutefois que la partie visible de l’iceberg des violences domestiques. Pendant les périodes successives de confinement en raison de la pandémie, le risque de subir des violences domestiques a une fois encore drastiquement augmenté. En réaction, la Confédération et les cantons ont créé la «task force Violence domestique et COVID-19», dont la mission était de fournir des évaluations régulières de la situation et de promouvoir l’offre existante en matière d’aide aux victimes de violences.
La violence de genre est l’un des quatre champs d’action définis dans la Stratégie Égalité 2030 adoptée en 2021, dont le but est que «la violence envers les femmes et la violence domestique diminuent et la sécurité personnelle des femmes s’améliore». Pour atteindre un tel objectif, le Conseil fédéral a instauré une série de mesures spécifiques et a approuvé un plan d’action national en vue de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. En adoptant une stratégie nationale et un plan d’action, la Suisse satisfait enfin à deux exigences centrales formulées par le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) à l’occasion de l’examen du troisième rapport périodique.
Bases légales en Suisse
Loi sur l’aide aux victimes
Adoptée par les deux chambres en 1991, la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) est entrée en vigueur le 1er janvier 1993, avant d’être révisée en 2007 (texte entré en vigueur en 2009). Elle vise surtout à protéger les victimes face aux violences physiques, sexuelles et domestiques, et permet aux personnes directement blessées ou atteintes par une infraction – physiquement, sexuellement ou psychologiquement – de bénéficier de conseils et d’un suivi après la procédure, de droits particuliers tout au long de celle-ci, d’aides financières (dans la limite du respect de certaines conditions) et d’une possibilité de déposer une demande d’indemnisation et de réparation morale pendant les cinq années qui font suite à la dernière infraction. Le code de procédure pénale a intégré plusieurs dispositions de la LAVI, notamment concernant les droits des victimes de violence à l’information et à la protection de la personnalité ainsi que le droit de participation.
À l’heure actuelle, il reste toutefois difficile de déterminer si ces dispositions sont pertinentes pour les victimes. Bien qu’il existe une statistique de l’aide aux victimes, dont les résultats sont ventilés selon l’âge, le genre ou le type d’infraction et permettent de connaître le nombre de cas d’assistance et d’indemnisation chaque année, aucune collecte de données ne vise à présenter le point de vue des victimes ou la pratique professionnelle des expert·e·x·s qui les soutiennent. Les informations actuellement disponibles ne permettent donc ni de mesurer les variations sur l’utilisation et sur les résultats de la loi en fonction des types de violence et des contextes où celle-ci est exercée, ni d’établir la proportion respective d’hommes et de femmes ayant recours aux services d’aide aux victimes.
Loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes
Entre janvier 2020 et juillet 2021, la loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes a permis la modification de plusieurs dispositions des codes civil et pénal afin de mieux protéger les victimes de violence domestique ou de harcèlement obsessionnel.
Grâce à cette révision, les victimes étant parties dans un litige portant sur de la violence, des menaces ou du harcèlement sont exemptées de frais judiciaires depuis le 1er juillet 2020 (art. 114 let. f CPC). La décision de suspendre ou non une procédure pénale ne dépend par ailleurs plus uniquement de la volonté exprimée par la victime, puisque celle-ci pourrait subir des pressions de la part de la personne qu’elle accuse (art. 55a al. 1 let. b et c CP). Le ministère public ne peut classer la procédure que si cette mesure permet de stabiliser ou d’améliorer la situation de la victime (art. 55a al. 5 CP). Il peut également, au même titre que le tribunal, obliger la personne prévenue à suivre un programme de prévention de la violence (art. 55a al. 2 CP). Depuis le 1er janvier 2022, les juges ont la possibilité d’ordonner le port par l’auteur·trice·x·s de l’atteinte d’un appareil électronique non amovible afin de contrôler le respect d’une interdiction de contact ou géographique (art. 28c CC).
L’ordonnance visant à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, permet au BFEG de mener des campagnes de prévention nationales afin de sensibiliser la population, de financer la formation continue de professionnel·le·x·s du domaine et de soutenir financièrement la coordination entre les acteurs privés et publics.
La protection des victimes de violence varie d’un canton à l’autre. Si certains d’entre eux (Zurich, Obwald, Genève, Neuchâtel, Valais et Vaud) disposent de lois spécifiques destinées à protéger les victimes, d’autres ont intégré des dispositions particulières à des lois déjà existantes, à l’instar du canton de Berne et de sa loi sur la police. Certains se sont en outre dotés de plans d’action pour lutter contre les violences: c’est le cas de Bâle-Campagne, Fribourg, Grisons, Jura, Soleure, Thurgovie, Vaud et Valais. Les villes de Berne, Genève, Saint-Gall et Zurich ainsi que les cantons de Fribourg et de Vaud ont adopté un plan pour l’égalité présentant des mesures pour lutter contre la violence domestique et la violence faite aux femmes. Des trains de mesures obligeant l’exécutif à lutter contre ces mêmes types de violence ont aussi été décidés dans plusieurs cantons (Argovie, Berne, Neuchâtel, Nidwald, Saint-Gall, Schaffhouse, Tessin et Zoug).
Violence sexuelle en droit pénal
La violence sexuelle est un type particulier de violence sexiste; elle peut prendre de nombreuses formes, allant de contact physiques involontaires au viol. En Suisse, 22% des femmes ont subi des actes sexuels non consentis. Face à de tels chiffres, plusieurs organisations issues de la société civile se sont unies pour mener une campagne sur le thème du consentement et pour lancer un appel pour une révision du droit pénal sexuel. Cette campagne expliquait que tout acte sexuel non consenti devait être traité comme une infraction, et a finalement été couronnée de succès le 16 juin 2023, lors de l’adoption de la révision du droit pénal sexuel par le Parlement.
La bataille n’était toutefois pas gagnée d’avance pour les associations. Le projet de révision initialement présenté contenait certaines dispositions qui ont été sous le feu des critiques. L’un des points de discorde était la création d’une nouvelle infraction intitulée à l’origine «atteinte sexuelle» qui visait à punir les actes d’ordre sexuels commis contre la volonté d’une personne ou lorsque celle-ci est en état de sidération. Les deux variantes proposées pour cette disposition contenaient une définition du viol basée sur la violence, la contrainte et la résistance et n’incluant pas la notion de «consentement». Une pénétration sexuelle non consentie aurait alors été considérée comme une atteinte sexuelle et non comme un viol, ce qui aurait constitué une violation des droits humains au regard de la Convention d’Istanbul. La révision finalement adoptée qui est entré en vigueur le 1er juillet 2024 n’a toutefois pas retenu cette définition. Les atteintes et contraintes sexuelles se distinguent du viol uniquement sur la question de la pénétration.
Obligations internationales de la Suisse
Convention d’Istanbul
La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est entrée en vigueur en Suisse le 1er avril 2018. Il s’agit du traité international le plus complet sur la question de la violence sexiste à l’encontre des femmes. En ratifiant cette convention, la Suisse s’est engagée à prendre des mesures dans tous les domaines pour lutter contre la violence à l’encontre des femmes et des filles et contre la violence domestique. Elle a toutefois assorti le dépôt de son instrument de ratification de quatre réserves, portant sur sa compétence à l’égard des infractions commises par une personne ayant sa résidence habituelle sur le territoire de la Suisse (art. 44 al. 1 let. e), sa compétence à l’égard des infractions commises à l’étranger (art. 44 al. 3), les procédures «ex parte» et «ex officia» (art. 55) et le statut de résident des victimes de violence ayant un parcours migratoire (art. 59). Ces réserves doivent être renouvelées tous les cinq ans en informant le Conseil de l’Europe trois mois avant leur échéance.
La Convention d’Istanbul repose sur quatre piliers: prévention, protection, poursuites, politiques coordonnées. Au niveau fédéral, la mise en œuvre de la Convention au niveau fédéral revient au BFEG (domaine violence), qui coordonne le groupe de travail interdépartemental pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul.
Le suivi de la mise en œuvre et le suivi de la Convention revient en partie aux ONG et aux services spécialisés, raison pour laquelle plus de quarante organismes ont créé le Réseau Convention Istanbul afin d’exiger une mise en œuvre cohérente, non discriminatoire et inclusive de la Convention. Compte tenu de leurs connaissances et de leur expérience, les ONG et les services spécialisés sont les principaux partenaires du GREVIO, l’organe chargé d’évaluer la mise en œuvre de la Convention. Lors de la procédure de rapport étatique, la société civile a concentré sa critique sur le manque de volonté politique et de moyens financiers mobilisés en Suisse pour lutter contre la violence et pour répondre aux besoins des victimes.
Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
Le texte de la Convention ne cite pas explicitement la violence à l’encontre des femmes, d’où l’importance des recommandations générales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF): celui-ci a en effet statué que la protection des femmes face à la violence était du ressort de la Convention, la rattachant aux droits humains en général. Cette décision est contraignante juridiquement. Le Comité des droits de l’homme (CCPR), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) et le Comité contre la torture (CAT) ont publié, de même que d’autres organes chargés du suivi du respect des traités protégeant les droits humains, des recommandations générales tenant compte de la différence entre les genres et précisant les obligations contractées par les États pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Constatant l’aggravation de la violence à l’encontre des femmes, le CEDEF a formulé, 25 ans après l’adoption de sa recommandation générale no 19 portant sur cette thématique, une nouvelle recommandation (no 35) permettant de mieux assister les États dans leur lutte pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Les explications complètes qui entourent l’emploi du terme «violence fondée sur le genre» permettent de mieux envisager ce type de violence comme un problème social (et non individuel) qui reflète la position des femmes au sein de la société. Le CEDEF souligne également que les femmes subissent des formes multiples et croisées – et de ce fait exacerbées – de discrimination, dont la violence est une des expressions. Dans certaines circonstances, la violence à l’égard des femmes peut être assimilée à la torture ou aux traitements cruels, inhumains et dégradants: c’est notamment le cas de l’interdiction et/ou de la criminalisation de l’avortement.
La recommandation no 35 confirme que l’interdiction de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre est un principe de droit international coutumier. Elle élargit en outre la définition de la violence à l’égard des femmes en y incluant les droits en matière de santé sexuelle et reproductive et précise les responsabilités des parties pour chacun des niveaux: un État partie est responsable des actes de ses agent·e·x·s sur son territoire comme à l’étranger. Sa responsabilité est également engagée lorsqu’il omet de protéger les femmes et les filles face à la violence ou qu’il n’empêche pas par des moyens préventifs, législatifs ou pénaux la violence à l’égard des femmes, qu’elle soit commise par un individu ou par une entreprise. Il est aussi tenu de garantir aux victimes de violence un accès à la justice, de collecter des données et de renforcer la collaboration internationale.
En Suisse, les femmes victimes de violence disposent d’une voie de recours individuel leur permettant d’exiger que l’État prenne de nouvelles mesures. Chaque femme peut saisir le CEDEF individuellement ou en groupe lorsque l’un de ses droits garantis par la Convention n’est pas respecté. La Suisse a déjà été rappelée plusieurs fois à l’ordre lors de telles procédures pour des omissions en matière de prévention des violences domestiques et de lutte contre celles-ci.
Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes
En adoptant la Déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’Assemblée générale de l’ONU a créé le mandat de «rapporteur·euse·x spécial·e·x sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences». La Jordanienne Reem Alsalem est titulaire de ce poste depuis août 2021.
Sa mission consiste à collecter et contrôler les données nécessaires, à collaborer avec d’autres organes de l’ONU compétents en matière de droits humains et à élaborer des mesures permettant d’éradiquer la violence à l’égard des femmes. La précédente rapporteuse avait ainsi publié un communiqué de presse appelant les États à prendre des mesures afin de lutter contre la violence domestique exercée pendant la pandémie de COVID-19 et avait rappelé à la communauté internationale les engagements contractés en matière de traitement des détenues et des délinquantes en vertu des Règles de Bangkok.
Convention européenne des droits de l’homme
La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ne contient aucune disposition protégeant spécifiquement les victimes de violence fondée sur le genre. La Cour européenne des droits de l’homme s’est toutefois penchée à plusieurs reprises sur des cas de violence fondée sur le genre, de violence domestique et autres atteintes aux droits humains liées à ces questions. Dans un arrêt de principe datant de 2009 (Opuz c. Turquie), elle a jugé que la passivité d’un État face à la violence domestique et à la violence à l’égard des femmes constituait une discrimination fondée sur le genre (art. 14 CEDH). La protection face à la violence exercée par un tiers est garantie par le droit à la vie (art. 2 CEDH), l’interdiction de la torture (art. 3 CEDH) et le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).
Autres obligations découlant du droit international
D’autres traités internationaux obligent la Suisse à s’abstenir de tout acte de violence et à protéger les victimes face à la violence exercée par un tiers, ce qui recouvre notamment la violence fondée sur le genre et la violence domestique. Le Pacte II de l’ONU protège ainsi le droit à la vie (art. 6), interdit la torture et les traitements cruels (art. 7) et consacre le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (art. 9). La Convention contre la torture interdit de son côté la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2), et la Convention relative aux droits de l’enfant condamne toute forme de violence physique ou mentale (art. 19) et toute forme de torture (art. 37). La violence domestique est par ailleurs interdite par les art. 10 et 23 du Pacte I de l’ONU et l’art. 17 du Pacte II de l’ONU, qui obligent la Suisse à garantir la protection de la famille et de la sphère privée.
Des lacunes dans la protection des victimes
Du fait de son caractère systémique, la violence fondée sur le genre imprègne en profondeur les rapports entre les genres, ce qui empêche de véritables avancées dans ce domaine. Lors des différentes procédures de suivi des rapports étatiques par le CEDEF ou le GREVIO, les comités internationaux et les ONG nationales ont principalement critiqué l’accessibilité restreinte des mesures étatiques en matière de prévention, de soutien et de protection pour les victimes. La Suisse devrait appliquer sans discrimination aucune la Convention d’Istanbul et la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui protègent les personnes de tout âge, trans, en situation de handicap, les réfugié·e·x·s et les personnes dont le statut de résident est menacé. Les différents organismes ont constaté le manque d’offre de conseil, de places au sein des structures de protection, et surtout de moyens financiers.
La Confédération doit agir avec sérieux dans le cadre de sa première stratégie nationale en matière d’égalité et engager des ressources suffisantes pour lutter efficacement contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre pour que la Suisse remplisse les exigences des organes de suivi de l’ONU et du Conseil de l’Europe en matière de droits humains.
- Publications violence à l’égard des femmes
Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes - Violence domestique
Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes - Prévenir et combattre la violence faite aux femmes
Portail du Conseil de l’Europe - Combating violence against women: European Union
page d’information de l’UE (anglais) - Violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE
Résultats en bref, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), 2014.