06.07.2021
Après la publication du rapport sur la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul (CI) en Suisse par la Confédération le 18 juin dernier, les services spécialisés et les ONG présentent leurs observations dans un rapport alternatif à l'attention du Conseil de l'Europe. Leur travail quotidien montre qu'il manque encore une volonté politique ainsi des ressources financières suffisantes pour prendre les mesures nécessaires contre la violence fondée sur le genre. L'Etat porte donc une part de responsabilité dans ces situations de violence.
Dans son communiqué de presse du 18 juin, le Réseau Convention d'Istanbul demandait déjà une augmentation massive du financement, une harmonisation des réglementations dans toute la Suisse et des mesures de protection intercantonales. Dans son rapport alternatif, le réseau pointe la part de responsabilité que porte la Confédération dans la persistance voire dans la recrudescence de situations de violence, due au manque de mesures et de ressources.
Le Réseau Convention d'Istanbul regroupe plus de 90 organisations, ONG, centres de conseil et d'accueil spécialisés dans les domaines de la violence, du handicap, des personnes LGBTIQA+, des personnes âgées, de l'enfance, de la migration et l'asile et des droits humains. Leur constat dans le cadre de leur engagement dans la lutte contre la violence auprès des victimes et des auteur·e·s au quotidien: il manque tant des dispositions juridiques que des mesures pratiques pour garantir une véritable protection de toutes les victimes, une prévention durable ainsi que des mécanismes de poursuite pénale équitables. «Pour appliquer la Convention d'Istanbul de manière cohérente, davantage de mesures sont nécessaires. La Suisse doit enfin agir», résume Anna-Béatrice Schmaltz, co-coordinatrice du Réseau Convention d'Istanbul et responsable de projet pour la prévention de la violence au sein de l'organisation féministe pour la paix cfd.
Les coupes budgétaires mènent à la discrimination des victimes de violences
En Suisse, les mesures actuelles de lutte contre la violence et les prestations destinées aux personnes concernées ne sont pas adaptées aux besoins de toutes les victimes et ne sont pas non plus accessibles pour toutes. C'est le cas pour des personnes handicapées, migrantes, LGBTIQA+ ainsi que pour les personnes âgées. Cette discrimination persistant, la Confédération tolère de facto les situations de violence. Comme le déclare Angie Hagmann, directrice de l'organisation avanti donne, représentant les intérêts des femmes en situation de handicap, «de nombreuses femmes et filles en situation de handicap courent un risque disproportionné de subir des violences, et les obstacles à la protection contre la violence et à l'assistance aux victimes augmentent encore ce risque.» Les services spécialisés et les ONG demandent donc une mise en oeuvre inclusive et non-discriminatoire de la Convention d'Istanbul, obligation dont la Suisse doit s'acquitter selon l'art. 4 CI. «Actuellement, la Suisse fait des économies sur la protection contre la violence sur le dos de certaines victimes. Ces discriminations sont un scandale et mettent des vies en danger», déclare Simone Eggler, co-coordinatrice du Réseau Convention d'Istanbul et responsable politique au sein de Brava.
La Suisse soutient les mariages violents au lieu de protéger les victimes
La Suisse maintient sa réserve à l'article 59 de la Convention d'Istanbul, refusant d'offrir une protection à toutes les victimes de violences conjugales. Ainsi, les victimes qui veulent se libérer d'un mariage violent risquent de devoir quitter la Suisse et d'abandonner leurs enfants. Ainsi, les victimes sont contraintes par l'État de rester mariées. «La loi discrimine les victimes en fonction du statut de leur conjoint, ce qui contredit les objectifs de la Convention d'Istanbul. La Suisse doit lever sa réserve à l'article 59 de la Convention d'Istanbul et assurer la protection de toutes les victimes de violences domestiques», déclare Chloé Maire du Centre Social Protestant Vaud.
La violence numérique tue
La violence de genre dans l'espace numérique représente un problème réel et répandu qui n'a jusqu'à présent pas été pris au sérieux par la Suisse. «La violence numérique est de la violence. Même si elle ne provoque ni contusions, ni fractures, la violence numérique peut tuer. Des dispositions doivent être ancrées dans le droit pénal et le soutien des personnes concernées doit être financé par l'État», déclare Jolanda Spiess-Hegglin, directrice de #NetzCourage, unique centre de conseil pour les victimes de la violence numérique. Il manque encore une législation efficace ainsi que des services de soutien et de prévention durables et durablement financés.
Le Réseau Convention d'Istanbul appelle donc la Suisse à mettre en œuvre la convention de manière cohérente, inclusive et non discriminatoire et à rendre ainsi justice à toutes les victimes de violence.
Vous trouverez davantage d'informations sur le cycle de suivi de la Suisse sous ce lien.