Depuis la «Déclaration universelle des droits de l’homme» en 1948, il y a toujours eu désaccord sur le fait de savoir si les droits sociaux avaient une valeur juridique égale aux autres droits humains, notamment les droits civils et politiques. Cette séparation, héritée de la guerre froide, est aujourd’hui dépassée. L’indivisibilité des droits humains est désormais communément admise et rejette la thèse d’une hiérarchie entre les différentes catégories de droits humains. Elle met ainsi les droits sociaux au même niveau que tous les autres. Certains aspects des droits sociaux sont donc considérés comme étant applicables directement par les tribunaux dans des cas individuels et impliquant des obligations immédiates pour les États. D’autres sont en revanche considérés comme des objectifs fixés au législateur pour une mis-en-œuvre progressive. Les droits politiques et les droits sociaux ne se distinguent dans ces derniers cas que par leur gradualité, et non pas dans leur fondement. Tant les droits civils et politiques que les droits économiques sociaux et culturels impliquent trois niveaux d’obligations (respecter, protéger et donner effet).
L’article 2 de Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) semble cependant diminuer la portée normative des droits économiques sociaux et culturels (DESC). Il n’impose aux États que «d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus» et ceci uniquement «au maximum de ses ressources disponibles». C’est de cette clause que certains déduisent le caractère uniquement programmatique des droits sociaux, leur niant ainsi toute justiciabilité. Comme aucune disposition analogue n’est présente dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques, cet article justifierait un régime différent entre ces catégories de droits.
Une vision aujourd’hui dépassée par la thèse de l’indivisibilité des droits humains. L’art 2 PIDESC se réfère en effet uniquement à l’obligation de l’État de garantir et donner effet. Et même par rapport à cela, certains éléments renvoient tout de même aux notions d’immédiateté et de justiciabilité. Il existe également des obligations étatiques de respecter et de protéger. Obligations entraînant des droits directement justiciables, à savoir de nature à pouvoir être invoqués par une personne ou un groupe de personnes lors d'une procédure judiciaire.
- La nature des obligations des Etats parties
Observation générale n° 3 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (1990)
- La mise en oeuvre du Pacte I
Observation générale N. 9 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (1998) (en angl.)
- Les obligations des États en matière de droits humains
Introduction humanrights.ch
Des parties justiciables et d’autres non-justiciables
Le PIDESC entraîne pour les États parties l’obligation immédiate et justiciable de respecter et de protéger les droits sociaux. Selon certaines provisions précises, les DESC fondent également une obligation immédiate de garantir et de donner effet. Il s’agit de l’obligation de prendre des mesures sans tarder en vue de réaliser le plein exercice des droits garantis. Ces mesures doivent être délibérées, concrètes, appropriées et ciblées. De plus, le Comité estime que chaque État partie a l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits. À titre d'exemple, les provisions suivantes sont considérées par le Comité comme justiciables:
- Garantir des conditions minimales pour assurer la survie (par ex. nourriture, vêtements ou logement)
- Garantir l’accès à un régime de sécurité sociale qui garantisse, au minimum un niveau essentiel de prestations, qui leur permette de bénéficier au moins des soins de santé essentiels, d’un hébergement et d’un logement de base, de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, de denrées alimentaires et des formes les plus élémentaires d’enseignement
- Garantir des conditions décentes en situation de contrôle total de l'État (par ex. prison ou internement)
- Garantir l’accès aux prestations étatiques sans aucune discrimination
- Le principe de non-régression implique selon certains également une justiciabilité du droit atteint. Par exemple, un particulier qui fait face à un démantèlement des protections sociales existantes pourrait invoquer son droit à la sécurité sociale pour demander le maintien du niveau de prestation actuel
Des exemples concrets
Voici également quelques exemples de provisions applicables et non applicables en matière d’obligation étatique dans le cadre du Pacte I. Ils sont tirés de la rubrique «Droits humains en bref de humanrights.ch».
- Droit à l'alimentation
- Droit à l’eau
- Droit au logement
- Droit à la santé
- Droit à la sécurité sociale / à l’aide d’urgence
- Droit au travail
Textes disponibles en ligne
- La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social
Prof. Diane Roman dans la Revue des droits de l'homme - Droits économiques, sociaux et culturels: manuel destiné aux Institutions des droits de l'homme
Documentation des Nations Unies, 2004 (pdf, 145 p.) - Courts and the Legal Enforcement of Economic, Social and Cultural Rights (pdf, 133 p.)
Comparative experiences of justiciability
International Commission of Human Rights, Geneva 2008 - Social human rights are freedom rights! In advocation of a liberal understanding of economic, social and cultural rights (pdf, 5 p.)
Michael Krennerich, Nuremberg Human Rights Center, Allemagne, octobre 2006 - Die Justiziabilität wirtschaftlicher,sozialer und kultureller Menschenrechte (pdf, 22 p.)
Jakob Schneider - Deutsches Institut für Menschenrechte, janvier 2004