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Internement conforme aux droits humains

18.12.2023

En Suisse, la grande majorité des personnes détenues restent en prison après avoir purgé leur peine, bien qu’elles aient droit à un placement différent. Pour faire changer la jurisprudence, un avocat a soumis le cas de A. au Tribunal fédéral.

À l'automne 1989, A. commet un acte ignoble : il tue une femme âgée, puis abuse d’elle sexuellement. Pour cette infraction et d’autres délits, A. est condamné, en septembre 1991, à 16 ans de prison par le tribunal de district de Brugg. En 2005, après avoir purgé sa peine, A., considéré comme dangereux selon les rapports psychiatriques, est interné.

Son internement ne change rien à son quotidien carcéral: A. reste dans le même établissement pénitentiaire cantonal. Le but de l’internement prévu par la loi diffère pourtant du but du régime pénitentiaire. Alors que la prison vise à restreindre les droits des personnes condamnées pour leurs actes criminels, l’internement vise uniquement à protéger la société de ces personnes en les maintenant en détention. En conséquence, les personnes internées devraient être placées dans un établissement sécurisé, où elles peuvent mener une vie plus autonome.

Afin de faire valoir ce droit pour A., son avocat Stephan Bernard présente une demande, en juillet 2021, à l'Office d’exécution des peines et mesures du canton d'Argovie en exigeant de meilleures conditions de détention, y compris un meilleur logement pour A. en dehors de l’établissement pénitentiaire. Par conséquent, A. est transféré en décembre 2021, après quelques jours d’essai, dans la résidence «Internement en petits groupes» de l’établissement pénitentiaire de Soleure. Depuis lors, il vit avec cinq autres détenus dans un appartement, autorisés à cuisiner et à faire la lessive, et peuvent utiliser librement leurs téléphones. Les six hommes travaillent dans les ateliers de la prison, au même titre que les autres détenu·e·x·s.

Malgré son déménagement, A. demande à son avocat de maintenir la requête présentée, qui contenait également des demandes d’octroi de sorties et de congés ainsi que d’une thérapie axée sur la réadaptation et la liberté. A. et son avocat attendent par ailleurs d’avoir la confirmation que la détention précédente de A. – d’une période de 16 ans – constituait bien une violation de la Convention européenne des droits de l'homme.

En 2009, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait en effet estimé dans un arrêt que, pour une personne internée, le fait que l’internement ne se distingue pas fondamentalement de l’exécution d'une peine équivalait à une double peine. Après avoir purgé sa peine, la personne concernée reste dans le même lieu de détention pour être maintenue en lieu sûr, alors que cela est contraire à la CEDH.

Dans le cas de A., l’Office d’exécution des peines et mesures et toutes les autres autorités cantonales rejettent les demandes et plaintes déposées. L'avocat Stephan Bernard poursuit la procédure et dépose une plainte auprès du Tribunal fédéral en novembre 2022. En juillet 2023, ce dernier estime que le nouveau placement de A. ne constitue pas une violation de la CEDH, mais que c’était éventuellement le cas pour le placement antérieur en détention. Les juridictions inférieures doivent désormais examiner cette question.

Pour Stephan Bernard, cette décision est un succès: le Tribunal fédéral remet fondamentalement en question la conformité de l'exécution de l’internement au regard des droits humains et exige un examen approfondi du cas. Au-delà du cas individuel de A., l’avocat vise à provoquer un changement structurel: les personnes internées en Suisse ne devraient plus avoir à vivre dans les mêmes conditions de privation de liberté que les personnes détenues. Pour ce faire, Stephan Bernard est également prêt à soumettre le cas de A. à la CrEDH si les autorités cantonales d'Argovie, qui doivent maintenant réévaluer l'exécution de A., rendent une appréciation divergente.

Le Point de contact pour les litiges stratégiques soutient cette procédure judiciaire.

contact

Marianne Aeberhard
Responsable Projet Accès à la justice / Directrice de l'association

marianne.aeberhard@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Lu/Ma/Me/Ve

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