30.05.2012
Les restrictions en matière de regroupement familial se trouvent constamment en conflit avec les droits fondamentaux des personnes concernées, notamment celui au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH et art.13 Cst.) et l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 al. 1, CDE). C’est le constat que font les observatoires du droit d’asile et des étrangers (ODAE) suisse et romand dans leur rapport commun, intitulé «Le regroupement familial et les limitations au droit à la vie familiale», rendu public lors d’une conférence de presse à Berne le 10 mai 2012.
Le rapport se fonde sur 11 situations documentées qui témoignent des conséquences difficiles qu’entraîne l’application du droit en matière de regroupement familial, à la fois pour les migrants et pour les Suisses qui souhaitent faire venir ici leur proches étrangers. Il dénonce également une inégalité de traitement en matière de regroupement familial entre les ressortissants suisses ou étrangers au bénéfice d’un permis C et les citoyens européens. Le droit actuel favoriserait ces derniers.
Ce que dit la loi
Le regroupement familial permet aux personnes disposant de la nationalité suisse ou d’un titre de séjour de faire venir les membres de la famille auprès d’eux. D’après la Loi fédérale sur les étrangers, une personne suisse (art. 42 LEtr) ou au bénéfice d’un permis d’établissement (art. 43 LEtr) a le droit de faire venir son conjoint et ses enfants étrangers en Suisse. Elle dispose pour cela d’un délai de cinq ans à partir du moment où le lien familial est établi; ce délai est réduit à une année pour un enfant âgé entre 12 et 18 ans.
Discrimination envers les Suisses
Ce droit largement restreint l’est d’autant plus si on le compare aux possibilités dont disposent les citoyens européens qui résident en Suisse. Au titre de l’Accord sur la libre circulation des personnes (voir art. 3 ALCP), tout Européen travaillant en Suisse peut faire venir les membres de sa famille sans aucune limite dans le temps. Et la liste des bénéficiaires est beaucoup plus large, puisqu’elle comprend, en plus du conjoint et de ses propres enfants, les enfants de son conjoint nés d’une autre relation et ses beaux-parents (sous certaines conditions).
Face à cette discrimination, plusieurs recours ont été déposés devant le Tribunal fédéral. Si la Haute cour reconnaît que cette discrimination que subissent les Suisses dans leur propre pays est injustifiée et même contraire à la Constitution, elle avoue également son impuissance devant ce fait, car elle est tenue d’appliquer le droit fédéral (art. 190 Cst). Elle appelle de le législateur suisse à corriger cette situation. Une interpellation en ce sens déposée par Andy Tschümperlin (PS/SZ) en 2010 a malgré cela été rejetée au National en 2011.
Application trop restrictive
En plus de ce problème structurel de la loi actuelle, son application pose également problème. Le rapport de l’ODAE dénonce ainsi une application particulièrement restrictive, voire abusive, du droit en vigueur par les autorités. À cela s’ajoute une utilisation excessive – voire abusive – par les cantons de leur marge d’appréciation qui tend à restreindre encore davantage, par l’imposition de conditions supplémentaires au regroupement, les droits des migrants souhaitant réunir en Suisse les membres de leur famille.
Sources
- Informations, communiqué de presse et rapport sur le site de l'ODAE
- Supprimer toute discrimination subie en raison du droit interne
Documentation sur l'initiative parlementaire 10.427 déposée par AndyTschümperlin, 19 mars 2010 - Décision du Tribunal fédéral 2C_196/2009
Arrêt en allemand du 29 septembre 2009 - Le régime des délais en matière de regroupement familial
Centre suisse de compétence pour les droits humains, 1er février 2012