25.11.2024
Être en première ligne pour dénoncer les violations des droits humains: c’est la fonction des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU. Celle-ci n’inclut toutefois aucun pouvoir de mise en oeuvre, et leurs recommandations ne sont pas contraignantes, ce qui pose la question des effets concrets de leurs interventions en Suisse et de l'effectivté de leur action.
Les rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU sont des expert·e·x·s indépendant·e·x·s auxquel·le·x·s des mandats relatifs à certaines thématiques des droits humains ou en lien avec des zones géographiques précises sont attribués. Il leur est possible d’intervenir en cas de violation des droits humains. Par ailleurs, les personnes individuelles et les ONG peuvent également leur signaler de potentielles violations des droits humains.
Cet article présente différents exemples pratiques montrant que les interventions des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU contribuent à renforcer les droits humains en Suisse.
Le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et le cas Brian
L’intervention de l’ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, critiquant l’attitude des autorités dans le cas Brian, constitue un exemple emblématique: M. Melzer a dénoncé les conditions de détention auxquelles Brian Keller avait été soumis dans le canton de Zurich et a mis en évidence les violations du droit international en matière de torture.
Une importante réaction médiatique a suivi, et a sensibilisé le public aux conditions de détention contraires aux droits humains que subissait Brian (voir notamment l’article de Republik en allemand). Par la suite, le Tribunal fédéral a également critiqué à plusieurs reprises les décisions des autorités et des tribunaux zurichois (voir l’arrêt 6B_882/2021 / 6B_965/2021). En été 2024, le Tribunal fédéral a constaté que le montant de la réparation pour les conditions de détention illicites de Brian avait été fixé trop bas par la justice zurichoise (arrêt 2C_900/2022).
Intervention pour les activistes du climat poursuivi·e·x·s en justice
Une autre intervention concerne le traitement des activistes du climat en Suisse. Dans une lettre adressée à la Suisse, cinq rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU ont interpelé le gouvernement au sujet des poursuites pénales engagées contre des activistes du climat ayant participé aux manifestations pacifiques sur la Quaibrücke et l’Uraniastrasse à Zurich en 2020 et 2021.
Différents médias ont relayé la publication de cette intervention. La Cour supérieure de Zurich a même reporté sa décision dans l’un des procès à l’encontre de ces activistes du climat, afin de pouvoir prendre en compte l’intervention des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU dans leur examen des cas. Toutefois, la Cour a finalement considéré dans son jugement que l’intervention n’était pas pertinente. Depuis, un recours, dans lequel la lettre des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU est à nouveau évoquée, a été déposé devant le Tribunal fédéral.
Procédures-bâillons contre des défenseur·euse·x·s de l’environnement
En 2023, le Rapporteur spécial de l’ONU pour les défenseurs de l’environnement a interpelé le gouvernement suisse dans une lettre attirant son attention sur le fait que des entreprises et des entrepreneur·euse·x·s malaisien·ne·x·s s’attaquaient de manière injustifiée au Fonds Bruno Manser et à ses collaborateur·trice·x·s au moyen de poursuites judiciaires stratégiques, aussi qualifiées de procédures-bâillons.
Dans ce cas également, plusieurs médias se sont fait l’écho de l’intervention du Rapporteur spécial. Dans une interpellation, une conseillère nationale a par ailleurs demandé au Conseil fédéral comment il comptait renforcer la protection de lla société civile contre ce genre de procédures, s’appuyant sur l’intervention du Rapporteur spécial de l’ONU. Même si, dans sa réponse, le Conseil fédéral estime que de nouvelles mesures n’étaient pas nécessaires, la prévention contre les procédures-bâillons qui visent les acteur·trice·x·s de la société civile telle que l’Alliance suisse contre les SLAPP prend une place de plus en plus importante dans le débat public.
Des interventions toujours nécessaires
Dans l’ensemble, les interventions des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s de l’ONU permettent aux problématiques relatives aux droits humains de gagner en importance dans les médias et le débat public. Même s’il est difficile d’établir un lien entre les interventions et l’issue de cas individuels, les différent·e·x·s acteur·rice·x·s se penchent sur les conclusions des rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s et peuvent ainsi venir à accorder davantage d’importance aux personnes concernées. Leurs interventions peuvent donc avoir des conséquences positives pour les victimes de violations des droits humains aussi bien sur le plan individuel que politique.
contact
Marianne Aeberhard
Responsable Projet Accès à la justice / Directrice de l'association
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