29.05.2013
«Une dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme n’entre pas en ligne de compte». Le Conseil fédéral balaye d’un revers de main un retrait de la CEDH dans une réponse à une interpellation parlementaire UDC. Cette dernière s'attaquait avant tout à la Cour européenne des droits de l’homme et à sa jurisprudence. Le gouvernement profite aussi de l’occasion pour présenter des solutions visant à résoudre le conflit entre droit international et droit constitutionnel.
La CEDH représente un progrès… pour la Suisse aussi!
Le Conseil fédéral défend fermement la CEDH dans une réponse à une interpellation du président de l’UDC Toni Brunner datée du 15 mai 2013: «La Convention et la jurisprudence de la Cour et des tribunaux internes ont renforcé l'état de droit ainsi que la protection des droits individuels et des libertés fondamentales des justiciables en Suisse.» Le gouvernement souligne le fait que les États européens considèrent, aujourd'hui, la protection de l'état de droit et des droits humains comme une tâche commune, et qu’ils ont fixé et mettent en œuvre des standards unifiés de protection des droits individuels. Ce fait constitue, dans une perspective historique, «un progrès important.»
La réputation de la Suisse serait ternie
Le Conseil fédéral s’oppose à une dénonciation de la CEDH en rappelant qu’un tel geste nuirait gravement à la crédibilité de la Suisse sur la scène internationale. Il impliquerait automatiquement une exclusion du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie depuis 50 ans. Le gouvernement précise également que, même en cas de dénonciation de la CEDH, le catalogue de droits fondamentaux de la Convention ainsi que d'autres obligations internationales resteraient en vigueur, garantissant des droits largement identiques à ceux de la Convention.
Propositions du Conseil fédéral mises en consultation
Le Conseil fédéral explique, dans sa réponse aux parlementaires UDC, comment il entend éviter que de nouveaux conflits surgissent entre des dispositions constitutionnelles contradictoires. Mi-mars 2013, il a envoyé en consultation deux propositions: l’examen préalable des initiatives, avant la récolte des signatures, et la possibilité pour le Parlement de déclarer nulles les initiatives qui violent l’essence des droits fondamentaux.
La jurisprudence interne n’entre que très rarement en contradiction avec la CEDH
La CEDH a été signée par le Conseil fédéral en 1972 et ratifiée par le Parlement en 1974. Entre sa date d’entrée en vigueur et la fin de l’année 2012, la Cour a reçu 5502 plaintes provenant de Suisse. Or, la Confédération n’a été condamnée pour violation de la CEDH que dans 87 cas, soit 1,6 % des plaintes enregistrées.
Commentaire
Alors que la jurisprudence suisse ne s’oppose que très rarement à la Convention européenne des droits de l'homme, l’UDC veut dénoncer la CEDH ou renforcer le droit interne par d’autres moyens. Les déclarations des ténors du parti ne permettent pas encore de dire laquelle de ces deux solutions sera retenue. Ce qui est sûr en revanche, c’est que ni l’une ni l’autre ne serait efficace.
Le parti agrarien est hérissé de voir que des initiatives populaires couronnées de succès ne peuvent être appliquées sous prétexte qu'elles écornent les droits fondamentaux et contredisent, par conséquent, la CEDH. Ces initiatives font aujourd’hui partie du droit constitutionnel en vigueur, au même titre que les garanties juridiques de la CEDH. Le conflit de normes qui en résulte ne pourrait surgir ailleurs qu'en Suisse. D'autres États ne rencontreraient pas ce type de problème puisqu’ils ne disposent pas d’instruments de démocratie directe comme les initiatives populaires. Plusieurs d’entre eux ont, en outre, une cour constitutionnelle chargée d’examiner si les nouvelles législations sont compatibles ou non avec la Constitution.
L’UDC tire, de ce conflit juridique, les mauvaises conclusions. Elle conclut que le problème vient de la CEDH, et avec elle de la Cour européenne des droits de l’homme, et que la solution réside dans une dénonciation de la CEDH ou d’autres moyens équivalents. Or, elle oublie qu’il s’agit d’abord d’un conflit entre des dispositions juridiques internes — et non supra étatiques — qui ne peut être résolu de la sorte. Le Conseil fédéral, avec les propositions qu’il a faites le 15 mars 2013, fait entrevoir la possibilité que de tels conflits n’apparaissent plus régulièrement. On peut sans doute envisager d’autres solutions. En voilà une qui pourrait être très utile: l’UDC pourrait à l’avenir vérifier elle-même si les initiatives qu’elle planifie sont compatibles avec la Constitution.
Les personnes interessées par cette question pourront suivre ici les développements récents du débat politique et retrouver plusieurs articles de fond sur humanrights.ch.
Sources
- Pour une meilleure compatibilité entre initiatives populaires et droit international
Communiqué du Conseil fédéral du 15 mars 2013, liens vers l'avant-projet et le rapport - Dénonciation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Interpellation de Toni Brunner (13.3237), site du Parlement
Informations complémentaires
- Relation entre le droit interne et le droit international - Nouvelles
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