01.03.2010
Bien que la discrimination raciale soit réprimée par le Code pénal, la protection des personnes victimes de telles discriminations demeure lacunaire en Suisse. C'est la conclusion à laquelle arrive, en février 2010, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) après avoir analysé de façon approfondie la législation suisse. C'est en particulier dans les domaines du droit privé et du droit administratif que manque l'interdiction expresse de discrimination raciale. La CFR constate que, dans la recherche d'un logement ou d'un emploi ou pour l'accès à certains biens ou services, des personnes sont quotidiennement pénalisées du fait de leur couleur de peau ou de leur appartenance. Pour contrer cette tendance, la CFR recommande de promulguer des interdictions concernant les discriminations raciales en droit privé et en droit prudentiel, ainsi que de renforcer les structures de conseil et les services de médiation. Le rapport a été realisé, entre autres, avec le soutien financier du Service de lutte contre le racisme SLR.
Application lacunaire
L'auteur de l'étude Tarek Taguib, également membre du Comité de Humanrights.ch, note qu'en Suisse, la "loi antiraciste" a une connotation moralisatrice, car pénale. Ce qui expliquerait pourquoi les sanctions sont en partie inadéquates. Si l'on utilisait les instruments de prévention, d'intervention et de compensations prévus par le droit privé et le droit prudentiel, alors la "loi antiraciste" pourrait s'établir comme une part naturelle de la législation libérale et démocrate-sociale.
Le manque d'efficacité dans l'application de la législation est, selon Tarek Naguib, la raison principale de la protection lacunaire des personnes victimes de discrimination raciale. Les procédures sont longues et, souvent, manquent de clarté quant à la marche à suivre ou aux coûts. Par ailleurs, les comportements sont souvent difficiles à prouver et les plaignants craignent des conséquences négatives suite à leur accusation. C'est pourquoi la CFR voir la nécessité de renforcer les instruments d'application: extension des structures de conseils, de médiation et de conciliation, gratuité des procédures de première instance, sanctions efficaces, droit de recours pour les organisations. Il ne s'agirait là que de suivre l'exemple des législations sur l'égalité des droits pour les femmes et les handicapés.
Fausse crainte de plaintes massives
L'expérience faite par d'autres pays a montrée qu'une législation contre la discrimination assurant une plus grande transparence et une plus grande efficacité n'a pas débouché sur une avalanche de plaintes. L'existence de règles précises encourage à ne pas les violer, a ajouté la vice-présidente de la CFR Sabine Simkhovitch-Dreyfus. Pour son président Georg Kreis, il ne s'agit de rien de nouveau, mais seulement l'application , dans la vie de tous les jours, de l'article 8 de la Constitution prévoyant l'interdiction de la discrimination raciale.
Documentation
- Protection très lacunaire pour les personnes victimes de discrimination raciale
Communiqué de la Commission fédérale contre le racisme, 23 février 2010 - Le droit contre la discrimination raciale: analyse et recommandations (pdf, 26p.)
Synthèse de l'avis de la CFR, février 2010 - Une Commission veut durcir la loi antiraciste (ou pdf, 2p.)
Tribune de Genève, 23 février 2010