07.10.2011
Les sociétés de négoce de matières premières ont massivement colonisé la Suisse ces dix dernières années. Pourtant, elles restent très discrètes sur leurs activités. Trop discrètes selon la Déclaration de Berne qui publie «Swiss Trading SA» pour lever le voile sur ces géantes qui ont fait de la Suisse une plaque tournante du commerce des matières premières. Cet ouvrage met en avant le rôle de la Suisse dans le négoce mondial et s’inquiète de l’exploitation des pays du tiers monde ainsi que du sort de leur population.
La Suisse au cœur du négoce mondial
Selon «Swiss Trading SA», un grain de café sur deux est négocié en Suisse. Côté pétrole, il s’agit d’environ un litre sur trois. Grâce à une fiscalité particulièrement avantageuse, Genève et Zoug accueillent des centaines de sociétés actives dans le secteur des matières premières. Selon la Déclaration de Berne, certaines entreprises de trading vont plus loin et profitent de zones grises du système helvétique pour déduire les bénéfices réalisés à l’étranger, sans que ceux-ci ne soient taxés sur place.
En privant ces pays du tiers monde des bénéfices de leurs ressources naturelles, ces multinationales affaiblissent leur développement. De plus, les droits des populations locales y sont souvent bafoués et certaines sociétés ne se soucient pas du droit du travail, du travail des enfants, du manque de mesures de sécurité et de la pollution massive.
Plus de transparence et une régulation plus sévère
Outre un portrait alarmant de la situation, la Déclaration de Berne propose dans son ouvrage plusieurs recommandations et souligne les principaux changements de politique devant être instaurés. Elle demande notamment plus de transparence de la part de ces multinationales de négoce des matières premières, souvent très opaques, et une régulation plus sévère. Pour réduire les nuisances environnementales et sociales qu’elles génèrent, la Déclaration de Berne demande que les multinationales, dont le siège est en Suisse, soient tenues responsables des agissements de leurs filiales en Suisse et à l’étranger.
La Zambie et les Zambiens exploités par des manipulations financières
L’ouvrage «Swiss Trading SA» met en avant le cas de l’exploitation du cuivre en Zambie. Il expose un audit commandé par le fisc zambien sur les manipulations de Mopani Copper Mines (MCM), la compagnie exploitante du site de Mufulira au nord de la Zambie. Cette compagnie appartient au leader mondial Glencore, basé à Baar (ZG), et n’aurait apparemment pas réalisé de bénéfices depuis 10 ans selon le rapport. Pas étonnant lorsque l’on lit l’analyse de la DB. En effet, le cuivre extrait en Zambie serait vendu à une filiale de Glencore à très bas prix. Lorsque Glencore revend ce cuivre sur le marché au prix concurrentiel, le profit est réalisé à Zoug où la fiscalité sur le bénéfice est très faible. La déclaration de Berne ainsi que plusieurs ONG ont déposé une plainte auprès du Point de contact national de l’OCDE en Suisse pour violation des principes directeurs de l’OCDE.
Le reportage «A qui profite le cuivre?» de la journaliste Alice Odiot a aussi mis en évidence les violations des droits humains de MCM. Selon elle, les techniques d’extraction du cuivre à base d’acide sulfurique polluent l’air et détériorent les conditions de vie des habitants. Des analyses effectuées en sortie d’usine révèlent que les émissions de dioxyde de soufre, d’arsenic et de plomb explosent les normes en vigueur. Une situation qui laisse Glencore insensible.
Sources
- La Suisse, le négoce et la malédiction des matières premières
Article sur le internet de la Déclaration de Berne - Le négoce, ce monstre hors contrôle
Le Courrier, 19 septembre 2011 (pdf, 3 p.) - Economie suisse: la montée du négoce des matières premières
Domaine Public, 5 août 2011 - Zambie: à qui profite le cuivre?
Reportage d’Alice Odiot sur le site Public Eye (anciennement Déclaration de Berne)