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Pas d’autorité parentale conjointe en cas d’incarcération

06.02.2025

Le 12 juin 2024, le Tribunal fédéral a décidé que l’autorité parentale pouvait être retirée à un parent incarcéré pour une longue durée. L’autre parent se voit alors attribuer l’autorité parentale exclusive.

Dans son arrêt du 12 juin 2024, le Tribunal fédéral a rejeté le recours d’un père qui contestait l’attribution de l’autorité parentale exclusive de son enfant à la mère. L’homme s’était vu retirer l’autorité parentale à la suite de sa condamnation à une peine privative de liberté de longue durée, qui altérait considérablement sa capacité à assumer son autorité parentale.

S’appuyant sur l’art. 311 al. 1 ch. 1 du code civil (CC), le tribunal a estimé qu’en l’espèce, l’autorité parentale exclusive s’avérait indispensable pour garantir le bien-être de l’enfant.

Des désaccords autour de l’autorité parentale

Le requérant (A.) et l’intimée (B.) ont un enfant commun (C.). En 2020, à la suite de son implication dans une fusillade, A. est condamné à une peine d’emprisonnement de neuf ans et deux mois, notamment pour tentative de meurtre, lésions corporelles graves et infractions multiples à la loi sur les armes. Le Tribunal fédéral rejette un recours contre cette condamnation.

En juillet 2021, B. fait une demande de divorce. Les époux ne s’entendent pas sur l’exercice de l’autorité parentale sur C. Le Tribunal civil du canton de Bâle-Ville prononce le divorce et accorde l’autorité parentale exclusive à B., estimant que l’incarcération de A. exclut l’exercice effectif de l’autorité parentale conjointe. La Cour d’appel du canton de Bâle-Ville confirme cette décision.

L’autorité parentale exclusive, une exception

Lors d’une procédure de divorce, le tribunal prononce l’autorité parentale exclusive si celle-ci s’avère nécessaire à la préservation du bien-être de l’enfant (art. 298 al. 1 CC). Les enfants sont toutefois en principe soumis à l’autorité conjointe de leurs parents: toute dérogation à ce principe doit être exceptionnelle et nécessaire au maintien du bien-être de l’enfant.

Selon le Tribunal fédéral, les motifs de retrait de l’autorité parentale prévus par l’art. 311 CC devraient en principe également entraîner l’attribution de l’autorité parentale exclusive à l’un des parents. Un parent peut toutefois être déchu de l’autorité parentale s’il n’est pas en mesure de l’exercer correctement pour cause d’inexpérience, de maladie, d’infirmité, d’absence, de violence ou d’autres motifs analogues (art. 311 al. 1 ch. 1 CC).

L’autorité parentale en prison

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral s’est référé à de précédentes décisions qui assimilaient une incarcération de longue durée à une absence au sens de l’art. 311 al. 1 ch. 1 CC. Dans un tel cas, le retrait de l’autorité parentale ne peut toutefois être envisagé que si son·sa·x détenteur·trice·x est incapable d’assumer ses devoirs parentaux pour une durée indéterminée, et non simplement à titre provisoire.  

L’attribution de l’autorité parentale exclusive à l’un des parents doit demeurer une exception strictement encadrée. Parmi les potentielles exceptions figurent les situations justifiant le retrait de l’autorité parentale prévues par l’art. 311 CC. L’attribution de l’autorité parentale exclusive revêt un caractère exceptionnel en ce sens qu’elle découle du motif de retrait en tant que tel; lorsqu’un parent est incarcéré, la justice présuppose qu’il ne peut exercer son autorité parentale à long terme.

Dans son recours, A. a argué qu’une incarcération ne représentait pas en soi un motif de retrait de l’autorité parentale et que chaque situation devait être examinée à la lumière de ses particularités. Le Tribunal fédéral a refusé d’entrer en matière, estimant que l’incapacité durable du requérant à assumer son autorité parentale – condition nécessaire à l’attribution de l’autorité parentale exclusive – n’avait pas lieu d’être remise en question.

Des arguments rejetés

La Cour d’appel du canton de Bâle-Ville a notamment motivé sa décision par le fait que A. n’avait plus aucun contact avec son enfant depuis deux ans et ignorait par conséquent tout de ses besoins. Selon le requérant, la cour n’a pas tenu compte de l’origine de cette rupture de contact – à savoir la décision de B. de tenir C. à l’écart de son père en raison des délits de ce dernier, au motif de garantir le besoin de sécurité de l’enfant –, justifiant par là le comportement de la mère. Selon lui, si sa condamnation pénale lui est reprochée dans le cadre du litige portant sur l’autorité parentale, son comportement serait sanctionné par sa peine privative de liberté.

Le Tribunal fédéral a quant à lui estimé que la cour d’appel n’avait pas considéré les délits du requérant comme éléments décisifs dans l’attribution de l’autorité parentale exclusive à la mère, mais qu’elle avait simplement montré une certaine compréhension pour la rupture de contact décidée par l’intimée. Les juges de Mon repos ont conclu que seule l’absence de contact entre A. et C. pendant deux ans – qui relève de l’examen du bien-être de l’enfant – avait pesé dans la décision.  
A. a avancé que des mesures modérées, telles que la curatelle, auraient suffi au maintien de l’autorité parentale conjointe. Le Tribunal fédéral a rejeté cet argument, argumentant que la curatelle en tant que mesure destinée à protéger l’enfant doit être centrée sur l’enfant et son bien-être et ne doit pas être prononcée pour rendre une décision concernant l’autorité parentale conjointe qui, sans le soutien extérieur découlant de la mesure, serait exclue.

L’incarcération, une absence?

Le Tribunal fédéral a conclu que la Cour d’appel du canton de Bâle-Ville avait apprécié la situation conformément au droit fédéral en considérant que l’incarcération du requérant et que la rupture de contact avec son enfant qui en a résulté étaient assimilables à une absence au sens de l’art. 311 al. 1 ch. 1 CC; aussi le retrait de l’autorité parentale au requérant et son attribution exclusive à la mère de l’enfant étaient-ils justifiés. Ces conclusions vont à l’encontre de l’interprétation restrictive de l’art. 298 al. 1 CC, qui fait de l’autorité parentale exclusive une exception.

Des droits humains à préserver

Du point de vue des droits humains, il est essentiel que les personnes incarcérées continuent d’exercer leur autorité parentale, puisque l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie familiale. Ce droit implique en particulier la préservation du lien entre les parents et leur enfant, et contribue à la sauvegarde de l’identité et de la stabilité de la famille.

Les autorités sont responsables de la mise en œuvre de mesures garantissant le droit à la vie familiale même en cas d’incarcération; elles doivent notamment encourager des contacts réguliers, qu’il s’agisse de visites ou d’échanges numériques, et s’assurer que l’exercice de l’autorité parentale ne soit pas inutilement entravé. Les espaces dédiés aux visites doivent en outre être adaptés aux enfants, afin de préserver les droits tant des parents que des enfants. De telles mesures contribuent par ailleurs à la resocialisation des personnes détenues, ce qui profite à l’ensemble de la population.

Contact

Livia Schmid
Responsable de la consultation juridique pour les personnes en détention

livia.schmid@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Ma/Je/Ve

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