12.10.2022
L’interdiction de la discrimination «raciale» est garantie par plusieurs sources dans l’ordre juridique suisse. Il n’existe pas de loi générale contre la discrimination, la protection étant garantie de manière sectorielle; aussi, l’accès à la justice se retrouve limité pour les cas de discrimination sur la base d’une soi-disant «race».
La protection contre la discrimination raciale en droit constitutionnel
L’interdiction de discriminer dans la Constitution fédérale suisse inscrite à l’art. 8 al. 2 Cst. est essentielle dans la lutte contre le racisme. Celui-ci dispose que: «Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique».
Cette disposition constitutionnelle vise à prévenir, faire cesser et sanctionner la discrimination commise par l’État et oblige celui-ci à protéger les personnes de la discrimination au moyen de mesures juridiques, politiques et administratives. Il reste difficile de déterminer exactement quels droits concrets découlent de cette interdiction de discriminer en termes d’obligations positives.
Cette interdiction de la discrimination ne concerne que les autorités publiques ainsi que les particuliers et les organisations privées qui assument des tâches publiques. L’interdiction de discriminer ne s’applique aux cas de discrimination raciale entre particuliers que de manière indirecte, par l’intermédiaire des normes de protection pénales, civiles et administratives, en vertu de l’art. 35 al. 3 Cst.
La protection contre la discrimination raciale en droit pénal
La norme pénale antiraciste (art. 261bis CP) punit les actes racistes qui consistent à nier publiquement, de manière explicite ou implicite, la dignité humaine et le droit à l’égalité de certaines personnes en raison de la couleur de leur peau, de leur origine ethnique ou de leur religion. Ces comportements ne sont cependant interdits que dans la mesure où il n’existe entre les personnes concernées aucune relation personnelle ou empreinte d'une confiance particulière; l’infraction est fondée uniquement si elle l’acte est commis publiquement (en dehors du cadre privé).
L’infraction de discrimination et incitation à la haine est poursuivie d’office et toute personne peut la signaler. Cette norme présente toutefois des lacunes importantes: elle ne permet pas à toute personne qui se sent heurtée par des propos ou actes racistes d’ouvrir une action: les critères de la nationalité et du statut juridique (étranger·ère·s, requérant·e·s d’asile, etc.) ne fondent pas le délit de discrimination raciale. De plus, seule une personne lésée et directement touchée dans sa dignité peut porter plainte, et les actes doivent être d’une certaine gravité pour que l’infraction soit reconnue. Les associations de lutte contre le racisme ne sont par ailleurs pas habilitées à agir.
Dans le cadre privé, la diffamation (art. 173 CP), la calomnie (art. 174 CP), l’injure (art. 177 CP) et les menaces (art. 180 CP) peuvent entrer en ligne de compte, mais ne protègent pas spécifiquement des discriminations raciales.
La protection contre la discrimination raciale en droit civil
Le droit civil ne contient pas de norme antiraciste à proprement parler mais protège la personnalité des particuliers (personnes physiques et morales). Des dispositions du Code civil (art. 28, 2, 27 CC) et du Code des obligations (art. 328, 19 et 20 CO) visent à faire cesser et à sanctionner la discrimination commise par des particuliers envers d’autres, qu’elle s’exprime par de la violence, des propos ou une inégalité de traitement. Les victimes de discrimination raciale peuvent ainsi utiliser le droit de la personnalité tant sur le plan du droit du travail que du droit du bail pour faire valoir leurs droits. Dans les faits, cette procédure civile est rarement utilisée car complexe et coûteuse, notamment pour apporter les preuves nécessaires et obtenir gain de cause. La médiation est une procédure civile de plus en plus utilisée dans les cas de discrimination raciale pour résoudre les litiges.
Les moyens extrajudiciaires
Dans certains cantons et communes, il existe des bureaux de médiation administratives qui sont chargés de recevoir les plaintes contre des services de l’administration publique. Aucun service similaire au niveau fédéral n’est prévu.
Les centres de conseil spécialisés dans les cas de discrimination raciale fournissent également des informations juridiques et non juridiques; ils offrent parfois des services de conciliation, de négociation ou d’autres types d’interventions en lien avec la résolution de conflits.
Les personnes touchées dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle en raison d’une infraction peuvent s’adresser à l’un des centres d’aide aux victimes de Suisse. Les entretiens de conseil personnalisés sont gratuits.
Informations complémentaires
- FAQ au sujet de la norme pénale contre la discrimination raciale
Site de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) - Norme pénale sur le racisme – Déclaration / Sommaire
Site de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme (GRA) - Recueil de cas juridiques relatifs à l’art. 261bis CP depuis 1995
Site de la CFR - Décisions et jugements relevant de l’art. 261bis CP
Site de la CFR - L’accès à la justice en cas de discrimination
CSDH, juillet 2015 - Guide juridique sur la discrimination raciale
Site de la CFR