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La Suisse finit par accueillir trois détenus libérables de Guantanamo

04.02.2010

Deux frères ouïghours, détenus depuis plus de six ans à Guantanamo et dont toutes charges ont été abandonnées, seront accueillis en Suisse à titre humanitaire. Après quelques semaines de tergiversation, c'est ce qu'a annoncé le Conseil fédéral le 3 février 2010, un jour après que le Canton du Jura ait confirmé sa disponibilité à leur délivrer une autorisation de séjour. Les organisations des droits humains ont exprimé leur satisfaction, cette décision faisant suite à celle d'accueillir un premier détenu innocenté de Guntanamo à Genève en décembre 2009 et à la volonté du Conseil fédéral, affirmée le 21 janvier 2009, de contribuer à la fermeture du camp américain de Guantánamo jugé non conforme au droit international. Pour la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlump, cette décision clôt probablement le dossier du point de vue politique, le recours pour demande d'asile de troix autres détenus innocentés (un Algérien, un Libyen et un Ouïghour) suivant son cours.

Pressions chinoises, tergiversations helvétiques

Début janvier 2010, la représentation chinoise à Berne avait demandé à la Suisse de renoncer à son invitation, faisant ainsi pression sur les relations politiques sur les intérêts économiques sino-helvétiques. Considérant les deux Ouïghours comme des terroristes présumés, elle avait exigé que ces deux citoyens chinois lui soient livrés. Le 11 janvier, la Commission de politique de sécurité du Conseil national conseillait au Conseil fédéral de renoncer. La Chine a fait savoir, par le biais du porte-parole de son ambassade à Berne qu’elle était «résolument contre la décision du Conseil fédéral».

Les organisations suisses des droits humains, telles Amnesty International et la Société pour les peuples menacés, avaient, elles, exprimés leur crainte que, s'ils étaient revoés en Chine, les deux Ouïghours ne subissent des graves violations des droits humains. Elles rappellaient que «les relations économiques avec la Chine ne sauraient en aucun cas l'emporter sur le respect des droits fondamentaux des deux Ouïghours.» Humanrights.ch s'était joint aux revendications des deux ONG Des actions en faveur des deux frères ouïgours s'étaient mulitpliés; leur avocate américaine était venue en Suisse pour défendre leur cause auprès des autorités fédérales et cantonales.

Comme le commente Le Temps, l’accueil à titre humanitaire des deux Ouïghours pourrait bien nêtre que le résultat d’un froid calcul politique - il n’en est pas moins courageux.

Documentation

Décisions des autorités

Communiqués des ONG

Contexte

Accueil d'un détenu à Genève

Le ressortissant ouzbek que la Suisse a décidé d'accueillir à titre humanitaire est arrivé à Genève dans le courant du mois de janvier 2010, a indiqué le Département fédéral de justice et police DFJP. En effet, le Conseil fédéral avait annoncé le 16 décembre 2009 que la Suisse était prête à accueillir à titre humanitaire un ressortissant ouzbek détenu dans le camp de Guantánamo. Il était prévu que l’homme habite dans le canton de Genève, le seul qui s’est annoncé formellement à ce jour. Il a passé 7 ans dans la prison américaine, malgré le fait qu’il ait été déclaré apte à être libéré en 2005 déjà. Par cet accueil, la Suisse contribute à fermer le camp de détention et à mettre fin aux graves violations des droits humains qui y sont commises. En décembre, la ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf n’excluait pas la venue d’autres réfugiés que l’Ouzbek; il s’agit de deux Ouïgours (mais des complications d'ordre politico-économiques sont intervenues, cf ci-dessus). Par ailleurs, trois autres détenus de Guantánamo, un Algérien, un Libyen et un Ouïgour de Chine, attendent toujours la décision du Tribunal administratif fédéral sur leur recours de demande d’asile. Amnesty International appelle les autorités à deliver au réfugié un statut legal et les médias à respecter sa vie privée. Humanrights.ch / MERS avait salué la décision du Conseil fédéral.

Appel aux cantons

Mi janvier 2009, le Conseil fédéral a signalisé sa disponibilité à accueillir, sous certaines conditions, des prisonniers de Guantanamo. Humanrights.ch, Solidarités sans frontières et le Conseil suisse pour la paix ont lancé un appel aux cantons, leur demandant de collaborer aux efforts du Conseil fédéral, voire d’accueillir un ou plusieurs détenus.

En accueillant des ex-détenus de Guantanamo, la Suisse apporterait sa contribution à la fermeture de ce camp de détention américain controversé, estime la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, qui a aussi souligné qu’une telle offre est "absolument cohérente" avec l'attitude de Berne dans ce dossier. Vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CDJP), la Saint-Galloise Karin Keller-Suter émet l'avis de réticence des cantons.

Divergences selon les cantons

Genève a été le premier canton à répondre favorablement à l’appel de la Confédération et s’est dit prêt à accueillir un ex-détenu de Guantanamo. Seules conditions posées par le Conseil d'Etat genevois, l'ex-détenu qu'il acceptera devra être innocent et n'avoir aucun contact avec le terrorisme. Peu importe en revanche son pays d'origine. « Une telle position se justifie par le fait que Genève a une renommée de ville humanitaire» a indiqué le 2 février 2009 Laurent Moutinot, ministre des institutions. À l'heure de l'accueil d'un premier ex-détenu, Genève reste le seul canton à avoir formellement pris cette décision.

Des signaux positifs étaient également venus d’autres cantons, quoique pas toujours soutenus par toutes les instances. À Fribourg, le chef du département fribourgeois de la Sécurité et de la Justice, Erwin Jutzet a été le premier conseiller d’Etat à s’exprimer en faveur d’un accueil, à titre personnel, le 28 janvier 2009. En revanche, son homologue vaudois Philippe Leuba déclarait être «effectivement sceptique » et que les cantons avaient besoin de se faire une idée précise de qui sont ces personnes. Par ailleurs, le ministre de la justice thurgovien Claudius Graf-Schelling est en faveur d’un accueil, alors que sa collègue saint-galloise Karin Keller-Sutter a ouvertement critiqué l’attitude du Conseil fédéral.

Le Grand Conseil zurichois ne souhaitait pas s'opposer à l'accueil d'ex-détenus de Guantánamo en Suisse. Le 2 mars, il a nettement rejeté un postulat qui exigeait que la Confédération y renonce.  Les députés UDC et UDF, auteurs du postulat, argumentaient qu’accepter une telle demande reviendrait à laisser librement entrer dans le pays des terroristes présumés.

Questions de sécurité

Le Conseil fédéral a confié à un groupe de travail une analyse détaillée sur les questions juridiques comme celles concernant la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. L'ananlyse est en cours, en collaboration avec les cantons. Seules seront admises en Suisse des personnes qui n'ont pas été condamnées, mais qui ne peuvent pas être renvoyées dans leur pays d'origine en raison de menaces de mauvais traitement ou de torture. Il s'agira du reste d'un petit nombre de personnes (une à trois). Berne est en outre en contact avec l'Union européenne. Pour Dick Marty, une responsabilité collective, qui implique la Suisse, s'impose.

Au Conseil des Etats

Une partie du Conseil des Etats a tenu à maintenir la pression sur le Conseil fédéral pour l’accueil d’ex-détenus de la prison de Guantanamo au début de sa session de printemps, le 3 mars 2009. Micheline Calmy-Rey ne s’est pas écartée de la position adoptée jusqu’ici: une décision sera prise dès que les résultats des clarifications en cours seront connus. C’est la conseillère aux Etats Anne Seydoux- Christe (JU/PDC) qui a interpellé le Conseil fédéral, le jugeant timoré dans ce dossier. Selon elle, la justice admet qu’aucune preuve de culpabilité ne peut être retenue contre les personnes encore détenues. „Arrêtées souvent par hasard, parfois contre de l’argent, torturées, elles sont victimes de l’arbitraire le plus complet.“

Cantons 

Contexte

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