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Les droits humains sacrifiés sur l’autel de la lutte contre le terrorisme

30.10.2019

Les projets de loi présentés par le Conseil fédéral pour prévenir et combattre le terrorisme prévoient des atteintes importantes aux droits fondamentaux et aux droits humains. La plateforme des ONG suisses pour les droits humains appelle le législateur à renoncer complètement à prendre des mesures de police préventives et à supprimer les propositions qui posent problème du point de vue du droit pénal.

Communiqué de presse, 30 octobre 2019, Berne

La Plateforme des ONG suisses pour les droits humains, qui regroupe plus de 80 organisations non gouvernementales, s’oppose fermement à deux projets de loi qui sont actuellement en discussion au sein de la Commission de politique de sécurité du Conseil des États.

Loi sur les mesures policières: des spéculations à la base des mesures de lutte

La nouvelle loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) vise à fournir à la police davantage de mesures contre les personnes potentiellement dangereuses, en dehors de la procédure pénale, c'est-à-dire dans le domaine de la prévention. Pour ordonner ces mesures, les autorités n'ont besoin que de certains indices indiquant une possible future activité terroriste. En fin de compte, de simples présomptions et des spéculations sur les intentions et les actions futures des individus pourront constituer la base des mesures policières.

La police disposera d'un large éventail de mesures préventives contre les personnes potentiellement dangereuses (terroristes présumés). L'instrument de loin le plus radical pour réduire le danger est l’assignation à une propriété, ou assignation à résidence. «Cette privation de liberté à titre préventif, visant à minimiser de manière générale le danger, n'est pas compatible avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme», a déclaré Viktor Györffy de droitsfondamentaux.ch.

Les limites d'âge fixées dans le projet de loi sont également particulièrement choquantes. L’assignation préventive à résidence pourrait déjà être utilisée dès l’âge de 15 ans, l’interdiction de contact et l’interdiction de périmètre pourraient être prononcées à l’encontre d’enfants de 12 ans. Selon Valentina Stefanović de humanrights.ch, «cela est contraire aux obligations de la Suisse en matière de droits humains. En vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, le système judiciaire suisse est explicitement tenu de promouvoir la réinsertion sociale des enfants. Les mesures policières prévues entraîneront au contraire la stigmatisation, voire la criminalisation, des jeunes sans qu'ils n’aient été coupables d'une infraction pénale».

La plateforme des ONG demande au Parlement de renvoyer le projet de loi sur les mesures de police au Conseil fédéral. À défaut le Parlement devrait au moins retirer la disposition sur l’assignation à domicile et renoncer à appliquer les mesures policières aux enfants et aux adolescents (voir la prise de position pour les détails).

Droit pénal: une définition évasive et lourde de conséquences

La stratégie antiterroriste du Conseil fédéral comprend également un projet intitulé «Terrorisme et crime organisé», qui prévoit un durcissement du droit pénal et de dix autres lois.

Il est particulièrement problématique que, pour la première fois, le Code pénal réprime la participation à une «organisation terroriste» sans établir une liste des groupements interdits. Alors qu'auparavant le législateur avait, dans un souci de clarté, dressé une liste des organisations terroristes interdites, il introduit désormais dans le droit pénal une définition évasive des «organisations terroristes», dont l’interprétation par les tribunaux pourra entraîner de l’arbitraire et des abus. «De fait, les tribunaux cantonaux décideront à leur discrétion si une organisation – et le soutien qui lui est apporté – doit être qualifiée de terroriste ou non. Le PKK kurde, par exemple, pourrait être interdit dans certains cantons et pas dans d'autres. Ce projet de loi est source d'arbitraire et d'une grande insécurité juridique», a déclaré Alain Bovard, d'Amnesty International. «Les modifications qu'il est prévu d'apporter à la loi affaibliront la protection juridique individuelle et comporteront des dispositions qui sont inutiles et disproportionnées».

La plateforme des ONG demande au Parlement de rejeter plusieurs dispositions du projet «terrorisme et crime organisé» ou au minimum de les adapter de manière à ce qu’elles respectent les droits fondamentaux et les droits humains (voir la prise de position pour les détails).

La protection de notre sécurité et de notre liberté ne peut être réalisée par des moyens qui sapent les principes d'un système démocratique et constitutionnel. Une stratégie durable de lutte contre le terrorisme ne doit pas reposer sur des mesures contraires aux droits humains et sur des atteintes systématiques aux droits fondamentaux. Elle doit au contraire être basée sur le respect des droits de toutes et de tous en Suisse, sur des mesures d'intégration dans les domaines éducatif et social et sur la promotion de la participation politique.

Contexte

Plusieurs organisations de la plateforme des ONG suisses pour les droits humains – dont humanrights.chAmnesty International et droitsfondamentaux.ch – avaient déjà critiqué les propositions en matière de lutte contre le terrorisme lors de la procédure de consultation. Leurs objections n'ont guère été prises en compte par le Conseil fédéral dans les projets actuellement en discussion.

La plateforme des ONG suisses pour les droits humains est une association regroupant plus de 80 organisations non gouvernementales suisses. Ces organisations veillent au respect des droits humains en Suisse et à l'étranger. Plus d'informations.

Prises de positions

Informations supplémentaires et demandes d’interviews:
Nadia Boehlen, Porte-parole, Amnesty International Section suisse
+41(0)79 430 14 68, E-Mail