23.02.2023
Communication N° 872/2018, décision du 28 avril 2022
Dans sa décision du 28 avril 2022, le Comité contre la torture (CAT) critique la décision des autorités migratoires suisses de renvoyer dans son pays un ressortissant érythréen, qui court le risque d'y être soumis à la torture. Selon le CAT, en expulsant Yacob Berhane, la Suisse enfreindrait l’article 3 de la Convention contre la torture.
Né en 1977, Yacob Berhane est enrôlé dans le service militaire une première fois en 1994 pendant une année et demie, puis à nouveau en 1997. Il sert alors durant la guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie jusqu’en 2000. Il est ensuite affecté à l’équipe de football de la police, pour laquelle il joue jusqu’à son départ. Début 2013, Yacob Berhane informe ses collègues de l’opération «Forto», une rébellion emmenée par 200 soldats, à laquelle il exprime son soutien. Quelques semaines plus tard, il est enlevé par deux individus armés et est interrogé, battu et séquestré dans une maison pendant deux jours. Suite à cet évènement, il décide de quitter le pays.
En 2014, le requérant entame sa procédure d’asile en Suisse. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) rejette sa demande et le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme cette décision. Les autorités évoquent plusieurs raisons pour ce refus. Le SEM et le TAF estiment notamment que Yacob Berhane ne peut être considéré comme déserteur, car sa démobilisation précède son exil, alors que celle-ci est généralement décrétée cinq ou dix ans après le début du service. En outre, les instances suisses considèrent que son témoignage des tortures qu’il a subies n’est pas crédible. Enfin, ils relèvent que Yacob Berhane ne déclare pas avoir participé à des activités politiques publiques. Ainsi, ils concluent que l’Érythrée ne considérerait pas le requérant comme un opposant politique.
Pour démontrer les risques auxquels sont exposées les personnes ayant quittées l’Érythrée illégalement, Yacob Berhane s’appuie sur les rapports de 2017 et 2019 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée ainsi que sur des décisions du CAT (A. N. contre la Suisse) faisant état de la situation. Le CAT soutient cet argumentaire et estime qu’il n’est pas possible d’exclure le risque de torture pour ce requérant. Ainsi, en l’expulsant, la Suisse violerait l’article 3 de la Convention. Le CAT indique donc à la Suisse qu’elle a l’obligation de renoncer au renvoi de Yacob Berhane.