23.10.2023
Communication n° 1018/2020, décision du 9 mai 2023
Le Comité contre la torture (CAT) a considéré que le renvoi par la Suisse d’un homme sri lankais qui avait travaillé en tant que chauffeur pour une organisation indépendantiste violait les articles 3, 14 et 16 de la Convention contre la torture.
Entre 2005 et 2009, K.R. travaille en tant que chauffeur pour le mouvement des Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE). Ayant subi de sévères blessures en transportant des armes et des combattants sur le front pendant la guerre civile, K.R. est hospitalisé puis transporté par l’armée sri Lankaise dans un centre de détention. Durant six mois, K.R. est victime de nombreux actes de tortures au sein de cette prison, avant que sa famille ne parvienne à le faire relâcher en versant un pot-de-vin à un fonctionnaire.
En 2016, K.R. fuit son pays après avoir été menacé de nombreuses fois par l’armée à son domicile, même après avoir déménagé. Il dépose une demande d’asile en Suisse, qui est rejetée par le Secrétariat aux migrations (SEM) en 2017 et le Tribunal fédéral administratif (TAF) en 2020, jugeant que le risque de torture dans son pays d’origine n’est pas crédible. Le requérant dépose une plainte individuelle devant le CAT.
Le Comité considère d’abord que la Suisse n’a pas suffisamment évalué l’expérience personnelle du requérant en tant que victime de torture. Le CAT a estimé que les autorités suisses n’ont pas tenu compte de l’état de vulnérabilité psychologique du requérant, notamment des graves séquelles de la torture qu’il a subies et de l’impact d’un renvoi forcé au Sri Lanka sur sa santé mentale, des rapports médicaux, indiquant que l'interruption du traitement spécialisé de K.R et son renvoi risqueraient de provoquer une retraumatisation de le pousser au suicide.
Le CAT a par ailleurs considéré que la Suisse n’avait pas fourni une évaluation individualisée des besoins du requérant pour apprécier si le Sri Lanka disposait de services adaptés pour satisfaire son droit à la réadaptation en tant que victime de torture, pourtant garanti par des rapports des autorités sri lankaises.
Aussi le CAT considère-t-il que le renvoi forcé au Sri Lanka priverait K.R. de son droit à la réadaptation et risquerait d’aggraver son état dépressif à tel point que sa situation serait équivalente à des actes de torture.