11.10.2022
Le 12 mai 2019, en promulguant la Loi portant création d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, la Belgique s’est dotée de l’Institut National pour la Protection et la Promotion des droits humains (IFDH). L’IFDH est chargé de veiller au respect et à l'application des normes internationales en matière de droits humains par les instances publiques et privées belges, conformément aux Principes de Paris.
L’IFDH ne dispose actuellement pas du statut A accrédité par l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits humains (GANHRI) en raison de son statut d’instance de contrôle global de la situation des droits humains; il est décrit par le réseau européen des institutions nationales des droits humains (ENNHRI) comme étant «en transition».
Organisation et bases juridiques
L’IFDH exerce ses missions en toute indépendance des organes politiques. L’Institut est doté d’un Conseil d’administration, d’un Conseil de concertation ainsi que d’un secrétariat. Les membres du Conseil d’administration ont été nommé·e·x·s en juillet 2020 et le secrétariat a pris ses fonctions le 1er février 2021.
Le Conseil d’administration est habilité à prendre toutes les décisions nécessaires au fonctionnement de l’Institut et à l’exécution de ses missions. Afin qu’il soit représentatif de la société belge, il est constitué de douze membres, désigné·e·x·s par la Chambre des Représentants (une des deux chambres du Parlement fédéral) pour une durée de six ans. Les membres sont élu·e·x·s selon un système de quotas (au moins un tiers des membres doit être doit être du sexe opposé à la majorité) et selon un système de répartition linguistique égalitaire six membres néerlandophones, six membres francophones et au moins un membre ayant des connaissances de l’allemand). Le Conseil d’administration est doté d’un·e·x président·e·x et d’un·e·x vice-président·e·x, appartenant à une région linguistique différente et étant de sexe opposé.
Le Conseil de concertation veille à faciliter le dialogue et la coopération entre l’IFDH et les différents organismes sectoriels de promotion et de protection des droits fondamentaux. Il est donc constitué d’un·e·x représentant·e·x de chaque organisme sectoriel de protection et de promotion des droits fondamentaux et de l’INDH. Parmi les institutions sectorielles disposant d’un mandat de défense et de promotion des droits humains, figurent par exemple l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, le Service de lutte contre la pauvreté, Myria ou encore l’organisme interfédéral de promotion de l’égalité et de lutte contre la discrimination et l’intolérance (Unia), reconnu internationalement et partiellement accrédité par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits humains (GANHRI).
Financement
L’IFDH est financé par une dotation inscrite au budget général des dépenses de l’État. Ce budget est établi annuellement par l’Institut lui-même et doit être approuvé chaque année par la Chambre des Représentants. L’IFDH n’ayant été créé qu’en 2019 et le secrétariat n’ayant que pris ses fonctions en 2021, le budget 2020 s’est reporté sur celui de 2021, et les dépenses pour cette même année se sont élevées à 891’421 d’euros seulement (rapport annuel 2021, p. 20). L’Institut a toutefois prévu d’étendre progressivement son effectif et ses moyens financiers afin de pouvoir d’accomplir ses missions et un travail de qualité.
Mandat de l'IFDH
L’IFDH a pour mission de fournir des avis, recommandations et rapports à la demande du gouvernement fédéral, du Parlement ou de toute autorité publique. L’Institut peut également agir de sa propre initiative. Toutefois, il ne peut être saisi directement par des individus. Si l’habilitation des institutions nationales à connaître des plaintes et des requêtes concernant des situations individuelles n’est pas une condition nécessaire au respect des Principes de Paris, elle témoigne toutefois souvent d’une réelle volonté de doter les institutions nationales des droits humains de mécanismes de recours effectifs. L’Institut promeut l’harmonisation des lois et des règlements belges avec les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux et encourage la ratification de nouveaux traités portant sur la protection des droits humains. En outre, il surveille la mise en œuvre par les autorités belges de leurs obligations internationales et collabore avec les instances qui existent dans les entités fédérées et avec les associations de la société civile qui œuvrent à la protection et à la promotion des droits humains. L’Institut collabore également avec les organes des Nations Unies en leur fournissant un rapport sur la situation des droits humains en Belgique. Enfin, l’Institut promeut les droits humains, notamment par la communication et l’éducation.
Le mandat de l’IFDH couvre toutes les questions relatives aux droits fondamentaux, de compétence fédérale, sauf celles qui sont traitées par les organismes sectoriels de promotion et de protection des droits humains. L’IFDH détient ainsi une compétence dite «résiduelle»: elle n’a le droit d’agir que lorsqu’il s’agit d’une thématique qui est discutée au niveau fédéral (et non pas au niveau des régions et des communes) et qu’aucun autre organisme sectoriel indépendant n’est compétent.
Si l’Institut a une compétence purement fédérale à l’heure actuelle, la loi laisse entrevoir la perspective d’une interfédéralisation (Plan stratégique, p. 9). La distribution des compétences dans la structure de l’État belge empêche une approche cohérente et systématique des droits humains en Belgique; or il est difficile d’obtenir le statut A en tant qu’institut national des droits humains sans interfédéralisation. L’IFDH estime donc qu’il doit encore grandir en tant qu’organisation, élargir son mandat et la capacité nécessaire, établir sa notoriété, son expertise et sa réputation dans le domaine des droits humains en Belgique tant au niveau national qu’international, ce qui inclut l’obtention de la reconnaissance en tant qu’INDH belge de statut A (Plan stratégique, p. 9).
La Ligue des droits humains belge (LDH) exprime son inquiétude face à la réelle portée de la création de cette institution en Belgique avec son mandat actuel. Elle critique notamment le fait que la répartition des responsabilités de chaque entité du pays dans la mise en œuvre des obligations internationales n’est pas claire. En effet, l’Institut ne dispose pas des compétences nécessaires pour traiter les aspects régionaux et communaux. La LDH critique également le fait que la loi sur l’IFDH ne permet pas aux particuliers de saisir directement l’Institut avec une plainte individuelle et que celui-ci est plutôt conçu comme un organe consultatif avec des possibilités d’actions limitées. La LDH se réjouit toutefois de la mise en place de l’IFDH afin de «combler les lacunes et les limites de l’architecture institutionnelle actuelle en matière de protection des droits fondamentaux», notamment en raison de l’absence de représentation dans certains domaines telles que les libertés religieuses, les droits économiques, sociaux et cultures, ou la protection des minorités linguistiques. La GANHRI avait justement recommandé à la Belgique dès 2018 de se doter d’une institution dont le mandat couvrait l’ensemble des droits humains (rapport, p. 9).
Priorités
L’Institut a plusieurs axes de travail qui sont constamment élargis. Elle étudie et évalue la situation générale des droits humains en Belgique, la perception des droits humains par la population ainsi que la mesure dans laquelle l’espace des défenseur·euse·x·s des droits humains et des organisations de défense des droits humains en Belgique est sous pression.
Informations complémentaires
- Institut fédéral pour la Protection et la Promotion des Droits Humains (IFDH)
site officiel de l’IFDH belge