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Egalité hommes-femmes - dossier

L’égalité hommes-femmes dans le monde du travail

23.09.2024

 

La revendication de l’égalité hommes-femmes dans la vie professionnelle se trouve au cœur des mouvements féministes. Pourtant, malgré un combat de longue haleine, les femmes demeurent désavantagées par rapport aux hommes dans le monde du travail.

Aujourd’hui encore, le stéréotype voulant que les femmes s’occupent des tâches domestiques et de care joue un rôle important dans la discrimination dans le cadre professionnel. En outre, par rapport aux hommes, les femmes sont plus nombreuses à ne pas exercer d’activité professionnelle, travaillent plus souvent à temps partiel, occupent moins souvent des postes à responsabilités et sont moins bien payées.

La situation en Suisse

En Suisse, 60% des femmes et 70% des hommes de plus de 15 ans exercent une activité professionnelle. Parmi les parents des enfants de moins de 15 ans, 78% des femmes et 95% des hommes ont une activité professionnelle, mais leurs taux d’activité respectifs varient considérablement: 82% des hommes travaillent entre 90 et 100%, contre seulement 40% des femmes. Des différences importantes apparaissent également au niveau des positions hiérarchiques et des secteurs d’activité: les femmes sont nettement moins nombreuses – un peu plus d’un tiers – que les hommes à exercer des fonctions de direction.

L’écart salarial entre femmes et hommes reste de 19%, ce qui correspond en moyenne à 1512 francs de moins par mois pour les femmes. 54,6% de cette différence s’expliquent par des facteurs objectifs tels que la position hiérarchique, les années de service ou le niveau de formation; les 45,4% restants n’ont pas de justification objective, le travail fourni étant de valeur égale. Les mères sont particulièrement concernées. Diverses études montrent en effet que les femmes subissent des pertes de salaire massives lorsqu’elles deviennent mères (malus maternité). Une femme qui interrompt sa carrière professionnelle peut perdre jusqu’à 900 000 francs. La perte de salaire en elle-même s’élève varie de 400 000 à 450 000 francs; le reste s’explique par des perspectives de carrière moins bonnes, et donc un salaire moindre, lorsqu’elle réintègre le marché du travail. La diminution de salaire se chiffre à 3,2% par année d’interruption: une femme diplômée d’une haute école qui cesse son activité professionnelle durant 6,7 ans voit ainsi son revenu diminuer de 22%, ce qui correspond à 480 000 francs. À l’inverse, la plupart des hommes qui deviennent pères reçoivent une augmentation de salaire (bonus paternité).

Les écarts salariaux et le taux d’activité inférieur des femmes entraînent notamment une réduction considérable de leurs rentes de vieillesse. En moyenne, celle du deuxième pilier s’élève à 1200 francs mensuels pour les femmes, contre 2300 francs pour les hommes. En outre, le revenu assuré est calculé en déduisant du salaire brut annuel une déduction de coordination fixe de 24 885 francs. Un défaut du système qui remonte à son introduction, en 1985: c’est le modèle du temps plein qui a servi de base de réflexion. Or les temps partiels sont désormais largement répandus, surtout chez les femmes, qui représentent 60% des personnes actives à temps partiel.

Les bases et les évolutions du droit suisse

La loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes protège spécifiquement les personnes contre la discrimination fondée sur le sexe dans le monde du travail. Outre l’interdiction de toute discrimination, elle prévoit la mise en œuvre de mesures de promotion de l’égalité, des aides financières et un accès facilité à la justice. Elle aborde également le harcèlement sexuel. En 2005, une évaluation portant sur l’efficacité de la loi sur l’égalité est publiée en réponse à une motion déposée par Vreni Hubmann.

Le 1er juillet 2020, la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes a été révisée et complétée par une obligation pour les employeurs d’analyser l’égalité salariale au sein de leur entreprise. Cette mesure vise à faire respecter le droit constitutionnel à un salaire égal pour un travail de valeur égale (art. 8 al. 3 Cst.). Les entreprises qui comptent plus de 100 collaborateur·trice·x·s sont tenues d’effectuer une analyse de l’égalité salariale tous les quatre ans et d’en communiquer les résultats au personnel et aux actionnaires. À cette fin, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes met à la disposition des entreprises des informations détaillées ainsi qu’un logiciel d’analyse de l’égalité salariale. En parallèle, Travail.Suisse a lancé le projet RESPECT8-3.CH. Les entreprises comptant au moins 50 collaborateur·trice·x·s qui ont effectué une analyse de l’égalité salariale peuvent s’inscrire sur cette plateforme afin de figurer sur une «liste blanche» accessible au public. La plateforme prévoit également de publier une «liste noire» des entreprises de plus de 100 collaborateur·trice·x·s qui n’ont pas procédé à l’analyse obligatoire.

Les premiers résultats des analyses officielles de l’égalité salariale différaient fortement des statistiques fédérales sur les écarts salariaux et manquaient de précision. Dans sa réponse à une interpellation de la conseillère aux Etats Eva Herzog, le Conseil fédéral confirme que les entreprises tenues de procéder à une analyse de l’égalité salariale représentent actuellement 1% des employeur·euse·x·s et qu’elles occupent 45% des travailleur·euse·x·s du pays. C’est dans les plus petites entreprises que la part inexpliquée des écarts salariaux se trouve au-dessus de la moyenne, et ce sont précisément ces entreprises qui ne sont pas obligées d’effectuer une analyse de l’égalité salariale.  

Enfin, des seuils de représentation sont instaurés au 1er janvier 2021 pour les conseils d’administration et les directions des grandes sociétés cotées en bourse. Ces dernières, lorsqu’elles sont sises en Suisse, doivent nommer davantage de femmes à des postes de cadres. Les seuils sont fixés à 30% de femmes dans les conseils d’administration et à 20% de femmes dans les directions (art. 743f CO). Ils doivent être atteints dans les cinq ans pour les conseils d’administration et dans les dix ans pour les directions. Cette loi fonctionne selon le principe «appliquer ou expliquer»: si les seuils ne sont pas atteints dans les délais fixés, les entreprises doivent en expliquer les raisons et prendre des mesures de promotion du sexe le moins représenté. Une étude de Travail.Suisse consacrée aux salaires des cadres a montré la nécessité de l’introduction de seuils de représentation des femmes dans la loi. En effet, fin 2019, les directions des 26 entreprises suisses étudiées ne comptaient que 26 femmes dans leurs rangs, qui représentaient donc à peine 12% du total de 218 membres.


Obligations internationales

L’article 11 paragraphe 1 de Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979 reconnaît le droit à l’égalité dans la vie professionnelle et interdit la discrimination, en particulier en raison du mariage ou de la maternité. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de l’ONU n’a pour l’heure pas formulé de recommandation spécifique quant à cette convention, mais il a commenté certains points spécifiques, comme l’égalité salariale, le travail domestique et familial ainsi que la migration de main-d’œuvre.  

L’article 11 paragraphe 1 contient d’abord une interdiction de discrimination en lien avec le droit inaliénable au travail. Les pays signataires ont donc l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour éliminer toute discrimination en la matière. Il protège également le droit aux mêmes possibilités d’emploi. L’interdiction du port du voile islamique au travail serait par conséquent incompatible avec le respect de ce droit. Les Etats sont en outre tenus de mettre en place des mesures contre la discrimination des femmes en situation de handicap. Pensé spécifiquement en lien avec la situation des femmes dans le monde du travail, le droit à la promotion, à l’instar du droit au travail, contraint les pays signataires à créer les conditions qui offrent aux femmes les mêmes possibilités de progression professionnelle qu’aux hommes. Enfin la convention encourage l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale. L’article 11 paragraphe 2 interdit les licenciements pour cause de grossesse ou de congé de maternité.

La Charte sociale européenne protège également les droits humains relatifs à l’égalité des sexes au travail. L’article 4 prévoit le droit à une rémunération équitable et, par conséquent, le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. L’article 8 protège les travailleuses en cas de grossesse et de maternité (allaitement inclus), et leur accorde le droit à un congé de maternité payé de quatorze semaines au moins. Enfin, d’autres articles garantissent l’égalité de traitement dans le monde professionnel, interdisent la discrimination fondée sur le sexe et protègent contre le harcèlement sexuel.

Critiques des organes internationaux de protection des droits humains

Des organes internationaux de défense des droits humains critiquent régulièrement la Suisse pour ses lacunes en matière d’égalité des sexes dans la vie professionnelle. Ces rappels à l’ordre concernent bien souvent les écarts salariaux, les stéréotypes discriminatoires, la ségrégation horizontale et verticale des sexes et les inégalités de traitement dans la prévoyance professionnelle. Les organes soulignent en particulier la nécessité de mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales afin de garantir l’égalité des chances sur le marché du travail, ainsi que la nécessité d’analyser en détail et d’améliorer la situation des migrantes qui travaillent en Suisse.

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