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La politique économique extérieure de la Suisse peut-elle être soumise aux droits humains?

29.01.2013

Dans une étude publiée en janvier 2013, le think-tank suisse Foraus propose de repenser l’arbitrage entre droits humains et intérêts économiques en politique étrangère.

Traditionnellement, on considère les impératifs économiques et les exigences relatives aux droits humains comme deux préoccupations distinctes, donnant lieu à des situations conflictuelles qu’il s’agit de régler, au cas par cas, par une pesée des intérêts. Dans les faits, les considérations de droits humains ne prennent que très rarement le pas sur les impératifs de politique économique extérieure. Même lorsqu’un frein est institutionnalisé  — dans le cadre de l’exportation de matériel de guerre ou des garanties des risques à l’exportation par exemple — on ne peut affirmer que les enjeux économiques soient contrôlés grâce une application transparente et vérifiable des critères des droits humains.

Les droits humains d‘abord, les intérêts économiques après

Les auteurs de l’étude «Légitimer la politique économique extérieure» connaissent évidemment cette situation initiale; mais ils ne se laissent pas influencer par elle. Ils prennent cette approche «traditionnelle» à revers et posent la question suivante: à quoi ressemblerait une politique économique extérieure comme partie d’une politique étrangère cohérente et crédible à l’égard des droits humains? D’un point de vue systématique, une seule solution parait acceptable: la primauté des standards des droits humains sur les intérêts de politique économique extérieure. Ces standards fournissant les critères à partir desquels on peut juger les efforts de la politique économique extérieure.

Un modèle utopique, mais proche de la pratique

Au cœur de cette étude, on trouve un modèle qui pourrait permettre d’appliquer, dans la pratique, cette primauté des droits humains sur les enjeux économiques. L’approche est certes utopique (dans le sens, où personne ne sait comment nous pouvons parvenir à une nouvelle situation de départ), mais elle est aussi, à ce niveau-là de l’utopie, proche de la pratique. Le modèle propose deux filtres à appliquer lorsque la Suisse souhaite entamer et/ou intensifier des relations économiques avec un autre pays.

  • Premier filtre:
    L’État partenaire remplit-il le standard minimal en termes de droits de l’homme?

Si non, toute négociation visant à intensifier les relations économiques avec cet État est prohibée.

  • Deuxième filtre:
    Les partenaires ont-ils convenu d’engagements réciproques afin d’assurer le suivi des effets de l’intensification des relations économiques sur les droits des l’homme?

Si non, la Suisse renonce à un accord et à une intensification des relations économiques.
Si oui, l’intensification des relations économiques est légitimée.

Inciter à la réflexion

Comme pour toute bonne utopie, la force de ce papier est d’ouvrir de nouvelles perspectives et de nouveaux questionnements. Par exemple, la question d’un standard minimal des droits humains comme condition pour poursuivre ou entamer des relations économiques avec un autre État. Ce que les auteurs proposent sur le standard minimal n’est toutefois pas convaincant. Par exemple, ils ne mentionnent pas une seule fois la torture, sujet pourtant très important. Il est vrai que les auteurs ne prétendent pas non plus fournir des réponses déjà toutes prêtes aux questions de fond. Pour eux, il s’agit plutôt d’«engager une réflexion politique». Cela est aussi valable pour le deuxième filtre qui peut aussi poser des problèmes de contenu. En évoquant ce deuxième filtre, les auteurs mettent en effet sur la table des instruments d’un nouveau genre pour contrôler la compatibilité avec les droits humains.

Une étape intermédiaire plus réaliste

Il semble difficile de partir du principe que l’Establishment politique acceptera aisément cette discussion de fond. On pourrait par contre envisager une étape intermédiaire: il s’agirait de transposer ce modèle dans les domaines de l’exportation de matériel de guerre et des garanties des risques à l’exportation. Le but serait, là où des avancées ont déjà été faites, de parvenir à une discussion ouverte sur le standard minimal des droits humains et sur les instruments de contrôle de ces relations économiques risquées.