12.12.2012
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a publié ses nouveaux principes directeurs concernant la détention des requérants d’asile. Ils remplacent ceux édictés en 1999 par le HCR et reflètent la situation actuelle en matière de droit international.
Les lignes directrices publiées en 2012 par le HCR sont au nombre de dix. Le principe le plus important est le droit pour chaque personne à demander l’asile dans d’autres pays et à être protégée conte les persécutions, les violations des droits humains ou tout autre préjudice grave. Une demande d’asile représente par conséquent un acte légitime et toute forme d’emprisonnement est interdite par le droit international. Une incarcération, qui se veut comme un moyen de décourager de futurs requérants d’asile, est inadmissible selon les principes directeurs du HCR.
Les autres lignes directrices prévoient la garantie du droit à la sécurité, la non-discrimination, l’ancrage dans la loi d’une durée de détention maximum, des conditions de détention humaines et dignes, la prise en compte des besoins spéciaux des requérants (en particulier pour les femmes, les enfants, les personnes avec un handicap, les personnes traumatisées, les victimes de traite d’êtres humains, les personnes âgées, les personnes LGBT), ainsi qu’un examen indépendant des centres de détention.
Un cadre pour les conditions de détention
Les autorités, selon le document du HCR, doivent toujours prendre en compte le principe de proportionnalité. La mise en détention d’un requérant d’asile ne peut donc être décidée qu’en dernier recours et si elle est utile et proportionnelle à un but légitime.
La détention de demandeurs d’asile ne peut pas non plus avoir un caractère punitif ou se dérouler en prison ou dans tout autre lieu sous régime pénitentiaire. La Ligne directrice 8 («Conditions of detention must be humane and dignified») énumère les conditions d’une détention digne et humaine. Les requérants devraient avoir des contacts réguliers avec le monde extérieur. (téléphone, Internet) et recevoir des visites de leurs parents, amis, d’ONG ou de personnes liées à la religion. Les autorités assureraient aussi aux requérants la possibilité de pratiquer des activités physiques à l’extérieur et de profiter d’un peu d’air pur. Des activités consacrées aux enfants et aux femmes et qui prennent en compte les facteurs culturels sont également recommandées. Un accès au matériel de lecture et aux actualités (Journaux, Internet, télé) devrait aussi être prévu. Les demandeurs d’asile devraient aussi avoir droit à une formation.
- Detention Guidelines
Principes directeurs du HCR sur la détention des requérants d’asile et sur les alternatives à la détention. (pdf en anglais, 64 p.)
Déficits en Suisse: les conditions de détention
Les conditions de l’ONU ne sont en grande partie pas remplies en Suisse, surtout en ce qui concerne les détentions en vue de renvois ou d’expulsions. L’organisation de la détention administrative est régulièrement critiquée comme n’étant pas proportionnelle à un but légitime.
Selon l’étude du Centre de compétence pour les droits humains (CSDH) sur le thème «la détention, la police et la justice en Suisse», les modalités de la détention administrative dans le droit des étrangers ne correspondent, en règle générale, que de manière restreinte, au but de la privation de liberté, c’est-à-dire à la garantie de l’exécution du renvoi. Souvent, cette détention est «effectuée dans un milieu proprement carcéral, où les restrictions de la liberté personnelle vont nettement au-delà de ce qu’il serait exigé par le but même de la détention.»
L’étude repose sur les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), qui a toujours critiqué le régime de détention dans le droit des étrangers. Selon le comité européen, les conditions matérielles de la détention administrative ne se différencient pas fondamentalement du régime pénitentiaire normal. Le caractère punitif est renforcé du fait du manque de programmes d’activités ainsi que par un manque d’infrastructures. La détention administrative se déroule souvent dans des centres qui servent aussi au régime pénitentiaire ou à la détention préventive et qui, pour des raisons architecturales, sont peu conformes aux exigences des droits humains en matière de détention des étrangers. De plus, le contact avec le monde extérieur est très restreint pour les requérants détenus en Suisse, comme pour le régime pénitentiaire normal.
Selon un manifeste du comité «Stop à la détention administrative», plusieurs expertises ont montré que les conditions de détention administrative des requérants dans certains centres sont même plus mauvaises que dans les prisons classiques. Dans plusieurs lieux de détention par exemple, des personnes détenues sont enfermées 20 heures par jour dans leurs cellules (Valais); il n’existe pas d’accès vers l’extérieur ou de possibilité de travail (Berne, Lucerne, Valais); les occupants se voient refuser les visites de leurs enfants (Valais).
… et le suivi médical
Selon les principes directeurs de l’ONU, les personnes en détention administrative doivent bénéficier d’un suivi médical approprié. Ce qui signifie que les requérants détenus ont droit d’être examinés aussi vite que possible par un médecin en cas de problèmes. Comme beaucoup de requérants souffrent de troubles psychologiques et psychiques en raison de leur détention, un examen périodique devrait avoir lieu; même si, à l’arrivée, aucun symptôme n’avait été décelé. Si la santé d’une personne est préoccupante, celle-ci doit être traitée en conséquence et sa remise en liberté doit être envisagée.
L’étude du CSDH souligne un besoin d’agir en Suisse sur cette question. Il faudrait selon les auteurs examiner si l’on concède aux personnes détenues un droit à un examen médical et si l’on ancre en Suisse — pour la mise en sureté de la preuve — une obligation d’effectuer un examen médical d’entrée.
Alternative à la détention
Le document de l’ONU contient aussi une liste non définitive d’alternatives à la détention des requérants d’asile. Il s’agit de différentes formes de surveillance, d’obligation de s’annoncer, ou d’hébergement en centre de réception, sans ou avec des restrictions limitées de la liberté de circuler. Une telle alternative est déjà présente en Suisse à travers les centres d’hébergement pour requérants d’asile, les centres d’enregistrement ou les «centres spéciaux» pour requérants d’asile récalcitrant créés par le nouvel article 26.
La détention en vue du renvoi ou de l’expulsion correspond, par contre, à une réduction massive des droits fondamentaux et constitue une véritable incarcération au sens des principes directeurs de l’ONU. Il est indispensable et urgent que des moyens plus soft soient envisagés. Car il faut bien rappeler qu’en Suisse des personnes peuvent être détenues jusqu’à 18 mois, sans avoir commis aucun délit.
Sources
- Une étude se penche sur la détention, la police et la justice en Suisse
Analyse des recommandations des organes des traités par le domaine justice et police du CSDH, 8 mars 2012 - Manifeste «Non aux prisons de la honte»
Comité «Stop à la détention administrative», 23 septembre 2012 (plus disponible) - Normes du CPT
Normes du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)