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Les placements forcés en hôpital psychiatrique du point de vue des droits fondamentaux

06.01.2025

Les forcés en hôpital psychiatrique sont une pratique courante en Suisse. Ces mesures, très restrictives pour la liberté personnelle des personnes concernées, devraient toutefois être ordonnées de manière justplacementsifiée et respectueuse des droits humains.

Si la société civile propose de nombreux moyens pour prévenir les crises psychiques pouvant conduire à des placements forcés, tels que le principe du «chez soi d’abord», de l’intervention dans le milieu, du dialogue ouvert et du plan de crise conjoint, ceux-ci ne sont pas formalisés dans les lois cantonales.

Le placement à des fins d’assistance (PAFA) dans le droit de la protection de l’adulte

L’article 426 du code civil (CC) autorise à placer une personne dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d’une déficience mentale ou d’un grave état d’abandon, l’assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d’une autre manière. Cette mesure de protection entraine une limitation drastique de la liberté personnelle garantie par l’article 10 de la Constitution: non seulement la personne placée perd son droit de choisir son lieu de résidence ou même de l’heure et du contenu de ses repas, mais elle peut aussi être entravée dans son droit d’aller et venir ainsi qu’être soumise à des traitements médicaux non consentis (art. 434 CC) ou à des mesures de contrainte (art. 438 CC).

Cette mesure est si attentatoire à la liberté personnelle (art. 10 Cst.; Pacte II ONU; Convention d’Oviedo) qu’elle n’est possible qu’en ultima ratio, si aucune autre mesure moins grave ne permet d’atteindre le but de protection visé. Il revient aux cantons de mettre en œuvre des mesures préalables au PAFA permettant de l’éviter, le droit fédéral ne prévoyant rien de tel. Le droit civil, notamment aux art. 27 ss CC, garantit également le respect de cette facette du droit de la personnalité des patient·e·x·s. Savoir si, dans un cas d'espèce, l'acte d’un·e·x médecin constitue une violation du droit civil ou public dépend de la nature de la relation qu'il a nouée avec un·e·x patient·e·x.

La plupart des cantons ne prévoient guère que l’astreinte à un traitement ambulatoire lorsque les conditions d’un PAFA sont remplies, mais que les soins peuvent être apportés sous une forme ambulatoire. En raison du principe de proportionnalité, le PAFA n’est conforme à la loi que si un traitement ambulatoire ou une assistance hors établissement n’entrent pas en ligne de compte (5A_567/2020). L’autorité qui prononce un PAFA doit donc exposer les faits justifiant qu’une assistance ou un traitement ambulatoire ne sont pas envisageables. Cela étant, il n’est pas certain qu’une obligation de soin ambulatoire sans limite dans le temps et sans les garanties du code civil durant un PAFA soit moins attentatoire à la personnalité que le PAFA lui-même, ni qu’elle respecte le principe de proportionnalité.

Qui peut ordonner un internement forcé?

La compétence pour décider de placer une personne est accordée à un·e·x médecin (art. 429 CC et 430 CC) – en quel cas il s’agit d’un PAFA médical – ou à une autorité de protection de l’adulte (APEA) (art. 428 CC). Chaque canton désigne les médecins habilité·e·x·s à ordonner un placement et institue une Autorité cantonale de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA). Exerçant une mesure de contrainte, les médecins doivent respecter les règles destinées à protéger les droits fondamentaux des patient·e·x·s (2C_451/2020).

Les médecins prononçant un PAFA médical doivent examiner les personnes concernées, les entendre et remettre leur décision écrite en main propre ainsi que, si possible, à l’un·e·x de leurs proches (art. 430 CC). La décision doit mentionner les résultats de l’examen et les raisons et buts du PAFA (art. 430 CC). Ce PAFA peut durer six semaines au maximum suivant les cantons avant d’être levé ou confirmé par l’APEA. L’institution est compétente pour lever le PAFA pendant ces six semaines (art. 429 CC).

Les APEA sont des instances interdisciplinaires (art. 440 CC) qui comprennent un·e·x juriste ainsi que divers spécialistes comme des psychologues, des psychiatres ou des travailleur·euse·x·s sociaux·ales. Le droit suisse ne prévoit toutefois malheureusement nullement la présence obligatoire de représentant·e·x·s des personnes concernées au sein de ces instances, même si c’est parfois le cas en droit cantonal (par exemple en droit genevois, selon l’art. 104 LOJ E 5.05 et art. 1 RJTPAE E 2 05.08). Cette lacune est d’autant plus regrettable que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) encourage la participation active des personnes en situation de handicap dans les processus de décision les concernant. L’APEA qui ordonne un PAFA (art. 428 CC) doit se fonder sur une expertise indépendante qui peut être requise pour le PAFA comme pour la demande de libération. A cet égard, la présence d’un·e·x juge spécialisé·e·x au sein de l’APEA ne permet pas de se passer d’une expertise indépendante (ATF 140 III 105 SJ 2014 I 345), qui doit advenir au moins une fois dans la procédure compte tenu de la grave atteinte portée à la liberté personnelle. Les difficultés pratiques des APEA pour faire réaliser une expertise dans les délais ne justifient en aucun cas d’y renoncer (ATF 148 III1 RMA 1/2022 RJ 42-22).

Le·la médecin-chef·fe d’une institution peut retenir pendant trois jours une personne qui y est entrée volontairement en raison d’un trouble psychique si elle se met ou met des tiers en danger. A l’issue de ces trois jours, elle peut quitter l’institution si un PAFA n’a pas été ordonné par l’APEA ou par un·e médecin (art. 427 CC).

Motifs du PAFA: une jurisprudence qui reste large en Suisse

Des troubles psychiques, une déficience mentale ou un grave état d’abandon constituent des motifs de PAFA (art. 426 CC); la charge que représente la personne concernée pour les proches et les tiers ainsi que leur besoin de protection sont pris en considération (art. 426 al. 2 CC). La décision de placement doit indiquer quel danger concret, dûment établi par expertise, pour la vie ou la santé de la personne concernée subsisterait si le traitement ou l'assistance n'était pas mis en œuvre, l'existence d'un risque purement financier n'étant a priori pas suffisant (ATF 140 III 101). Le risque d’un danger pour les tiers peut également être pris en compte, mais un placement ne peut être ordonné pour cette seule raison (CrEDH 1760/15 T.B. c. Suisse). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ni le seul risque pour la sécurité d’autrui, ni le défaut de compliance médicamenteuse ne justifient un PAFA (5A_567/2020).

La jurisprudence montre toutefois que les motifs du PAFA peuvent être assez vagues, par exemple lorsqu’un traitement neuroleptique s’avère indispensable pour stabiliser la situation psychosociale (5A_865/2020), de même que la symptomatologie (5A_655/2020). Le Tribunal fédéral considère le PAFA comme proportionné lorsque la personne concernée n’a pas conscience de sa maladie ou de son besoin de traitement et que son bien-être nécessite un traitement stationnaire qui ne peut être couronné de succès que s’il est assuré sans interruption (5A_956/2021). En revanche, le Tribunal fédéral estime qu’il est exclu de recourir à un PAFA pour contenir des comportements simplement asociaux (2C_451/2020 ATF 148 I 1 RMA 5/21 RJ 145-21): sous réserve de situations particulières, le principe de bienfaisance doit céder le pas à celui du respect de l’autonomie.

En aucun cas l’existence d’un handicap ne doit être à la base une privation de liberté (art. 14 al. 1 let b CDPH). Aussi le handicap en lui-même n’est-il pas un motif de PAFA. Il est pourtant fréquent que le placement soit sommairement motivé par un diagnostic: par exemple dans le cas d’un diagnostic non spécifié (5A_311/2017) , d’une schizophrénie paranoïde continue (5A_848/2022) , ou d’un trouble psychotique aigu d’allure schizophrénique assorti d’idées délirantes (5A_256/2022). Cela revient à faire un lien questionnable entre handicap et privation de liberté, ce qui escamote toutes les exigences de motivation du danger concret qui pourrait advenir si le PAFA n’était pas prononcé. Le fait que l’OBSAN catégorise les PAFA par diagnostic perpétuant cette confusion est ainsi à déplorer.

Le grave état d’abandon (2C_451/2020), qui n’est pas une notion médicale et dont il n'existe pas de définition généralement acceptée (Directives médico-éthiques de l'ASSM, Mesures de contrainte en médecine, 2015, p. 13), est un motif de PAFA qui, selon la jurisprudence, doit correspondre à un état incompatible avec la dignité humaine que seul le placement dans une institution peut pallier. Il convient toutefois d’être très prudent avec ce motif, car il n’est pas conforme à l’article 5 par. 1 let e de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui ne le mentionne pas (ATF 148 I 1, 2C_451/2020). Cela étant, ce motif n’est très rarement seul à la base d’un PAFA, car l’état d’abandon se double souvent d’une déficience mentale ou d’un trouble psychique (5A_956/2021 C5.1 voir toutefois 5A_545/2018 5A_871/2014).

Le placement à des fins d’expertise est réglé séparément par l’article 449 CC et n’est pas un PAFA dès lors qu’il n’a pas vocation à porter assistance.

Qu’est-ce qu’une «institution appropriée»

Le code civil mentionne sommairement que le placement doit être effectué dans une «institution appropriée». Il s’agit le plus souvent d’un hôpital, d’un établissement médico-social, d’une maison de retraite ou, exceptionnellement, d’un établissement pénitentiaire.

Le nombre de personnes faisant l’objet de PAFA placées dans des établissements pénitentiaires n’est pas connu. Les juges du Tribunal fédéral ont rappelé que l’unité psychiatrique d’un établissement pénitentiaire n’entre en considération en tant qu’établissement approprié que de manière exceptionnelle (5A_352/2023). Cette réticence s’explique par le fait l’établissement choisi doit permettre d’atteindre le but d’assistance du PAFA, lequel ne saurait être punitif ou disciplinaire. Les établissements pénitentiaires ne sont a priori pas des institutions appropriées au sens de l’article 426 CC, car ils ne poursuivent pas un but d’assistance. A cet égard il faut signaler que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, le PAFA effectué dans le service psychiatrique d’un hôpital pénitentiaire peut entraîner une violation de l’article 3 CEDH prohibant la torture et les traitements inhumains et dégradants (cas Miranda Magro c. Portugal).

Le droit à désigner une personne de confiance

L’article 432 CC permet à tout personne placée dans une institution de faire appel à une personne de son choix pour l’assister durant son séjour. Cette personne peut rendre visite à la personne placée, participer à l’élaboration du plan de traitement, effectuer des démarches et/ou prendre la défense de la personne placée.

Le code civil ne prévoit toutefois pas d’information obligatoire pour l’institution sur le droit à une personne de confiance. En pratique, celle-ci n’est souvent pas donnée spontanément aux patient·e·x·s et à leurs proches qui ignorent pouvoir apporter une aide plus substantielle que de simples visites. Certains cantons ont légiféré sans grand effet sur la pratique (Vaud art. 20 a LSP 800.01 et 28 LVPAE 211.255; Fribourg art 41 la. 2 LSan 821.0.1; Valais art. 19 al. 2 LS 800.1). De plus, du fait de l’isolement social découlant de la maladie psychique, les personnes placées n’ont souvent pas de personnes proches en lesquelles elles ont confiance.
Cette lacune d’information porte atteinte au droit des patient·e·x·s à consentir valablement à un traitement. En effet, dès lors que la personne de confiance peut participer à l’élaboration du plan de traitement, c’est-à-dire assister la personne placée dans l’exercice d’un droit fondamental, il est légitime de soutenir que l’information sur cette possibilité est essentielle au traitement et donc obligatoire au regard du droit à l’information des patient·e·x·s (art. 433 CC).

L’obligation faite à tou·te·x·s les employeur·euse·x·s de mettre une personne de confiance hors hiérarchie à disposition des employé·e·x·s (2C_462/2011 consid. 4.3) devrait servir de modèle pour contraindre les établissements servant de lieux de placement à mettre des personnes de confiance à portée des personnes vivant des situations de détresse et d’isolement.

L’obligation d’établir un plan de traitement

Le traitement dispensé durant un PAFA doit être prévu par un plan écrit élaboré avec la personne concernée et sa personne de confiance en vertu de l’article 433 CC. L’expérience des patient·e·x·s et de leurs défenseur·euse·x·s révèle que les plans ne sont pas systématiquement élaborés avec les patient·e·x·s, mis à jour ou même signés. De plus les tribunaux ne sont pas regardants sur l’exigence du plan de traitement, puisqu’une décision décrivant la nature du traitement, sa durée et les modes d’administration ont paru suffisants à l’APEA du Littoral et du Val-de-Travers (5A_856/2013).

Les rapports de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) démontrent que la situation s’est améliorée pour ce qui concerne les plans de traitement depuis l’entrée en vigueur du droit de la protection de l’adulte en 2013. La CNPT relève cependant toujours quelques lacunes en la matière. Le plan de traitement est parfois élaboré plusieurs semaines après l’admission des patient·e·x·s et dénué d’informations sur son consentement (CNPT 4 2018 concernant Genève). Il manque par ailleurs des informations claires relatives au consentement (CNPT 4/2019 concernant Cery), Le plan de traitement ne contenait pas d’indication concernant les traitements médicamenteux et les objectifs thérapeutiques (Rapport CNPT du 12 mai 2022 concernant Malévoz)

Lorsqu’un plan de crise conjoint existe, il doit être appliqué et respecté au titre plan de traitement de manière à préserver et favoriser autant que possible l’autonomie de la personne concernée.

Dispositions sur les traitements forcés

Pas de traitement médical sans consentement en dehors d’un PAFA

Le traitement sans consentement est exclu en cas de placement à des fins d’expertise (art. 449 CC). Dans un tel cas, l’équipe soignante ne peut même pas établir un plan de traitement (5A_549/2023). De la même manière, aucun traitement ne peut être imposé à une personne retenue pendant trois jours à l’hôpital psychiatrique après y être entrée volontairement en raison de troubles psychiques (art. 427 CC).

Le traitement médical sans consentement et ses limitations

Outre les cas d’urgence (art. 435 CC) qui permettent une administration immédiate de médicaments dans les limites posées par le droit international (art. 8 Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine), l’article 434 CC autorise le traitement sans consentement durant un PAFA pour autant que la personne concernée n’ait pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement. Le plan de traitement écrit et établi avec la personne concernée et sa personne de confiance peut être imposé sans consentement, à l’exclusion de tout autre soin qui n’y figurerait pas.

Face à un traitement réalisé sans le consentement de la personne concernée, les directives anticipées (prévues par les articles 370 ss CC) ne sont pas contraignantes, mais il faut en tenir compte afin de respecter autant que possible le principe d’autonomie qui inspire le droit de la protection de l’adulte. Cette codification bancale se marie mal avec l’article 12 alinéa 4 CDPH, qui exige le respect de la volonté et des préférences d’une personne incapable de discernement et favorise la décision accompagnée contre la décision substituée.

De plus, le fait de réserver le traitement sans consentement exclusivement aux personnes en PAFA viole l’article 17 CDPH selon lequel toute atteinte à l’intégrité physique et mentale doit respecter le principe d’égalité entre les personnes en situation de handicap et les autres. En 2020, le postulat 20.3657 «Pour un respect intégral des droits des personnes handicapées», visant la mise en conformité du code civil avec la CDPH, a été rejeté. En 2022, le Comité des droits des personnes handicapées a recommandé à la Suisse d’éliminer de sa législation toute forme de traitement médical forcé, de contention chimique et de mise à l’isolement (CRPD/C/CHE/CO/1 ch. 32, let. a).

La jurisprudence circonscrit l’usage du traitement sans consentement

Amené à se pencher sur la notion de traitement sans consentement, le Tribunal fédéral en a précisé les contours. Il considère qu’il y a traitement sans consentement non seulement lorsque des médicaments sont administrés sous la contrainte physique, mais aussi lorsque le·la patient·e est amené·e à consentir à un traitement par suite d’une menace d’administration forcée ou lorsqu’il·elle consent «librement» à un traitement qui lui a précédemment été appliqué de force (5A_834/2017). Il s’ensuit que les pressions exercées sur le·la patient·e pour le·la convaincre de prendre un traitement le sont en dehors des limites fixées par le code civil. De même, un traitement sous menace d’isolement est un traitement sans consentement. En revanche, le Tribunal fédéral a considéré que l’alimentation forcée d’une jeune anorexique pouvait être un traitement sans consentement conforme au code civil (5A_1021/2021). En définitive, quelle que soit la manière dont le consentement d’un·e·x patient·e·x est obtenu, le traitement appliqué doit avoir été prévu par le plan de traitement, c’est-à-dire avoir été établi avec la personne concernée ainsi que sa personne de confiance si elle en a une (5A_834/2017). Ce traitement est toujours susceptible de recours.

Les mesures de contrainte exercées sur une personne incapable de discernement et leurs limitations

Les mesures limitant la liberté de mouvement sur des personnes incapables de discernement sont autorisées par l’article 438 CC, qui renvoie à l’article 383 CC. Il peut s’agir d’isolement en chambre, de surveillance électronique ou encore de contention avec des sangles. En revanche, la sédation d’une personne incapable de discernement au moyen de médicaments ne saurait être une mesure de contrainte au sens des dispositions régissant le PAFA (FF 2006 6635). Aussi, toute administration de médicaments contre la volonté d’une personne placée doit être considérée comme un traitement médical à visée thérapeutique qui doit avoir été prévue par le plan de traitement.

La mise en chambre fermée est controversée: s’agit-il d’une mesure limitant la liberté de mouvement ou d’une mesure thérapeutique? La chambre fermée à visée disciplinaire est depuis longtemps considérée comme incompatible avec l’ordre juridique (ATF 134 I 209) parce que dénuée de but thérapeutique. La chambre fermée conçue comme un soin doit donc être prévue par le plan de traitement établi avec la personne concernée et sa personne de confiance. Elle peut alors être appliquée sans consentement si le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui; si la personne concernée n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement; ou s’il n’existe pas de mesures appropriées moins rigoureuses (art. 434 CC). La chambre fermée conçue comme une mesure limitant la liberté de mouvement ne peut être appliquée que sur une personne incapable de discernement dans le but de prévenir un danger grave menaçant la vie ou l’intégrité corporelle ou pour faire cesser une grave perturbation de la vie communautaire. Elle nécessite une information de la personne concernée et de sa personne de confiance ainsi que le respect d’un protocole (art. 383 CC et art. 438 CC).

Il existe des directives éthiques de l’ASSM précisant les mesures de contrainte en médecine. De même, la CNPT prend régulièrement position sur la contrainte dans les hôpitaux psychiatriques. Enfin, le CPT édicte également des normes (Moyens de contention dans les établissements psychiatriques pour adultes, Normes révisées du CPT 21 mars 2017). L’Observatoire romand de la contrainte en psychiatrie (ORCEP) a été lancé en 2024 pour documenter et conserver les expériences des personnes concernées.

La suite du PAFA: entretien de sortie et traitement ambulatoire

L’article 436 CC prévoit que la prise en charge thérapeutique soit discutée s’il existe un risque de récidive. La pratique ne démontre pas que cela soit fait de manière efficace pour éviter les traitements sous contrainte et les nouveaux PAFA. Des améliorations sont à espérer.

Les cantons peuvent prévoir des mesures ambulatoires à la sortie de l’institution (art. 437 CC). La question de l’admissibilité d’une médication forcée ambulatoire sans limite dans le temps, qui constitue une atteinte grave à l’intégrité corporelle et psychique (5A_356/2016), est controversée. Toutefois, si une loi cantonale prévoit expressément une telle contrainte, les tribunaux devront encore examiner très concrètement dans chaque cas la nécessité du traitement, les effets d’une abstention thérapeutique, les alternatives et les effets secondaires d’un traitement neuroleptiques sur la durée (ATF 142 III 795) pour juger de sa conformité à l’article 10 Cst. Il peut arriver que le traitement soit ordonné sous menace d’exécution forcée (5A_356/2016).

La pratique démontre que les cantons ont tendance à imposer le traitement ambulatoire par l’intimidation. Les personnes concernées croient risquer automatiquement un PAFA si elles se soustraient au traitement. Elles décrivent souvent l’injonction au traitement comme un chantage. Ce procédé relève d’une violence institutionnelle contreproductive, car exercée sur des personnes qui devraient faire confiance aux autorités pour les protéger plutôt que de les craindre.

Recours contre un PAFA ou une mesure limitant la liberté de mouvement

Quand la décision de PAFA est prise par un·e médecin habilité·e (art. 429 CC), la personne concernée a le droit d’être entendue par le·la médecin (art. 430 CC). La décision du·de la médecin peut être portée devant l’APEA dans les 10 jours par la personne concernée, ses proches et sa personne de confiance (art. 439 CC). Si l’appel est rejeté, un recours reste possible et n’a pas besoin d’être motivé (art. 450e CC). L’instance judicaire de recours, réunie en collège, entend personnellement la personne concernée (ATF 139 III 257) et statue dans les 5 jours ouvrables (art. 450e al. 3 CC) même si la nécessité d’une expertise complique la tâche; les cantons doivent s’arranger pour y parvenir (ATF 148 III 1). Au moment du PAFA médical, il n’existe pas de droit à faire immédiatement appel à un·e défeuseur·euse, contrairement à ce que prévoit l’article 158 du code de procédure pénale en cas d’arrestation. Il faut donc attendre que la décision de PAFA soit exécutée pour la contester, ce qui revient à attendre le placement dans une institution.

L’APEA qui prononce un PAFA peut déléguer à l’institution la compétence de libérer la personne placée (art. 428 al. 2 CC). La demande de libération doit être adressée à l’institution. En cas de refus de levée du PAFA par l’institution, l’APEA peut être saisie dans les 10 jours (art. 439 al. 1 ch. 3 CC). Lorsque l’APEA ne délègue pas la faculté de libérer à la personne à l’institution, la décision de PAFA peut être portée devant le juge sur la base de l’article 450 CC tant par la personne concernée elle-même que par ses proches ou sa personne de confiance. Il n’est pas nécessaire de motiver le recours.

Bien que le maintien en institution d’une personne qui y est entrée volontairement ne soit pas un PAFA, c’est à l’APEA qu’il faut en appeler (art. 439 CC). La personne concernée ou l’un·e de ses proches peut recourir par écrit dans les dix jours auprès du juge contre un traitement sans consentement ou une mesure limitant la liberté de mouvement (art. 439 al. 1 ch.4 CC). Un traitement sous menace d’isolement ou un traitement qui fait suite à une injection forcée modifiant la capacité de s’y opposer est un traitement forcé susceptible de recours 5A_834/2017 (d) sur la base de l’article 439 CC.

La personne qui fait l’objet d’un PAFA a le droit d’être entendue (art. 447 CC) personnellement (ATF 139 III 257) par l’APEA réunie en collège puis par l’instance de recours également réunie en collège (ATF 139 III 257). Elle a aussi celui d’être représentée par une personne expérimentée en matière d’assistance et dans le domaine juridique (art. 449a CC). Le législateur n’a pas exigé que les défenseur·euse·x·s soit avocat·e·x·s, ce qui peut prétériter la possibilité d’en appeler ultérieurement à la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) dans la mesure où un grief doit avoir été soumis à toutes les instances nationales pour pouvoir être porté devant la CrEDH et que seul·e·x·s les défenseur·euse·x·s aguerri·e·x·s en sont conscient·e·x·s.

Lorsque le PAFA est levé, que le traitement sans consentement est achevé et/ou que la mesure est terminée, il devient compliqué de contester ces restrictions à la liberté personnelle (art. 10 Cst.) devant un tribunal faute d’intérêt juridique à faire cesser une atteinte. Ainsi le Tribunal fédéral a-t-il jugé qu’il n’y a pas d’intérêt juridique à recourir contre le traitement sans consentement subi durant le PAFA une fois que la personne est sortie et se trouve désormais soumise à un traitement ambulatoire (5A_12/2015). De même, la jurisprudence ne reconnait pas d’intérêt juridique à faire constater l’illicéité d’un PAFA levé (5A_9/2014), ni à recourir contre un traitement sans consentement après la sortie de l’hôpital (5A_918/2017).

Pour avoir une chance de se faire entendre des tribunaux, la personne concernée doit démontrer que l’atteinte déjà subie pourrait se reproduire dans les mêmes conditions. Ainsi, le risque de réitération n’a pas été retenu par le Tribunal fédéral dans le cas d’un PAFA subi en prison par une personne ayant déjà effectué plusieurs séjours hospitaliers dans les quatre années précédentes (5A_352/2023).

Dès lors, les personnes souhaitant se plaindre du PAFA, du traitement sans consentement et/ou de mesure de contrainte subies antérieurement n’ont plus que la possibilité de faire recours devant les tribunaux ordinaires (art. 454 CC), soit par une action en constatation du caractère illicite de l’atteinte subie (5A_985/2020), soit par une action en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral. La prescription est de trois ans depuis la connaissance du dommage (art. 60 CO). Devant le Tribunal fédéral, les recourant·e·x·s doivent avoir un intérêt actuel et pratique à l’admission de son recours car cette instance ne se prononce pas sur des questions théoriques. Il est renoncé à un intérêt actuel lorsque cette exigence ferait obstacle au contrôle de constitutionnalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps. Il arrive en effet qu’on ne puisse pas exclure qu’un nouveau PAFA soit prononcé et exécuté dans les mêmes conditions (5A_57/2018).

Les proches peuvent largement recourir devant les instances cantonales pour faire valoir les intérêts de la personne concernée (art. 450 CC). Le concept de proche s’interprète de façon large dans l’intérêt de la personne concernée: il peut comprendre des parents, des ami·e·x·s, la personne de confiance, mais également les curateur·trice·x·s, médecin, assistant·e·x·s social·e·x, prêtres ou toute autre personne qui a pris soin et s’est occupée de la personne concernée (CommFam Protection de l’adulte). Les proches sont limité·e·x·s dans leur action car doivent défendre les droits de la personne concernée et non leurs intérêts propres. Ainsi, si les proches peuvent contester une décision de privation de liberté, aucun droit ne leur est reconnu pour attaquer une décision mettant fin à une mesure de contrainte (ATF 112 II 104). Devant le Tribunal fédéral en revanche, la qualité pour recourir des proches n’est pas facilement admise, car la loi (art. 76 al. 1 LTF) exige la présence d’un intérêt propre et actuel de la personne recourante. Or cet intérêt propre n’existe pas lorsque le proche ne défend pas ses propres intérêts mais ceux d’une tierce personne (5A_271/2016), fût-elle la personne concernée.

Une mère ne peut par exemple pas recourir au Tribunal fédéral pour demander à ce que son fils puisse vivre auprès d’elle car, ce faisant, elle ne défend pas ses propres intérêts, mais ceux de son fils (5A_876/2023). Ces subtilités procédurales sont mal acceptées par les personnes concernées et leurs proches, car elles semblent entraver injustement la défense des droits fondamentaux.

Des nuances concernant les mineur·e·x·s?

Les mineur·e·x·s que les parents ne protègent pas comme le commanderait leur développement physique, intellectuel ou moral au sens de l’article 310 CC peuvent faire l’objet d’un placement par l’APEA dans une institution fermée ou un établissement psychiatrique. Ce placement a pour effet de retirer aux parents le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant (art. 310 CC).

Les dispositions de la protection de l’adulte sur le PAFA sont applicables par analogie aux mineur·e·x·s (art. 314b CC). Si tout adulte peut s’opposer à son placement, seul·e·x·s les mineur·e·x·s capables de discernement jouissent personnellement de ce droit sans condition d’âge minimum.

Les mineur·e·x·s placé·e·x·s volontairement par leurs parents peuvent être retenu·e·x·s pendant trois jours dans l’institution (art. 427 CC) sans que cela nécessite un retrait du droit de garde (art. 310 CC). Les mineur·e·x·s concerné·e·x·s peuvent aussi faire l’objet d’un PAFA médical (art. 429 CC) pour une durée maximale de six semaines. Dans ce cas un exemplaire de la décision doit être remis aux mineur·e·x·s capables de discernement et à leurs parents détenteurs de l’autorité parentale (art. 430 al. 4 CC). Ces mineur·e·x·s ont également droit à une personne de confiance de leur choix pour les assister durant leur séjour (art. 432 CC).

Les mineur·e·x·s capables de discernement sont seul·e·x·s destinataires de l’information médicale donnée par le·la médecin (art. 19c CC). À ce titre, ces mineur·e·x·s consentent personnellement au traitement (art. 433 CC). Les mineur·e·x·s capables de discernement ne peuvent pas être soumis·e·x·s à un traitement sans consentement (art. 434 al 1 ch 2 CC).

Si les mineur·e·x·s sont incapables de discernement, leurs représentant·es légaux·ales peuvent consentir au traitement dans le domaine psychiatrique conformément à l’article 304 CC. Mais, même incapables de discernement les mineur·e·x·s concerné·e·x·s doivent être informé·e·x·s et entendu·e·x·s conformément à l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Les médecin-chef·fe·x·s ne sont pas autorisé·e·x·s à traiter les mineur·e·x·s sans le consentement d’un·e·x représentant·e·x·s légaux·ales (art. 434 CC).

Quelques adresses utiles

Kescha
Le centre d'écoute et d'assistance de l'enfant et de l'adulte (KESCHA) offre des informations et un conseil aux personnes concernées par une mesure de protection de l'enfant ou de l'adulte. Le centre conseille, entre autres, des personnes qui ont des questions concernant la curatelle ou les procédures de l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) ou du tribunal.

ORCEP
L’Observatoire romand de la contrainte en psychiatrie (ORCEP) permet de documenter des expériences personnelles de contrainte en psychiatrie. Le but est de constituer des savoirs issus du vécu des usagers et usagères qui mettent le savoir médical à l’épreuve du réel. L’équipe de ce projet pilote espère ainsi favoriser le développement de prises en charge thérapeutiques qui tiennent compte de l’expertise des personnes concernées et qui respectent leurs droits fondamentaux.

SOS droit des patients
Conseil, accompagnement et défense des droits des patients en Suisse Romande.

Permanence juridique de Pro Mente Sana
Le service juridique dispense gratuitement des conseils par téléphone ou par courriel sur toute question touchant aux droits de personnes handicapées ou malades psychiques. Ce service s’adresse aux personnes concernées, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels de la santé et du social.

Les cantons ont mis sur pied des commissions qui statuent sur les droits des patients·es:
Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais, Vaud

L’académie suisse des sciences médicales (ASSM) émet des directives médico-éthiques.

Prise de position de Pro Mente Sana sur les placements à des fins d'assistance

L’expertise extrajudiciaire de la FMH permet de discuter un cas de responsabilité civile du médecin/ de l’institution hors procédure judiciaire.

Article rédigé par Pro mente sana