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Centralisation du droit de tutelle: où iront les dossiers?

20.12.2011

Presque centenaire en Suisse, le droit de tutelle est en passe d'être modernisé. Les modifications législatives proposées sont planifiées pour entrer en vigueur dès 2013. Le droit de tutelle, géré jusqu'alors par les communes, sera professionnalisé et centralisé. De cette réorganisation découlera la clôture de centaines d'offices tutélaires, où sont stockés les dossiers de centaines de personnes victimes par le passé d’internements administratifs, de castrations forcées, d'adoptions forcées. Qu’en est-il des ces dossiers alors que le processus de réorganisation a déjà démarré au niveau des cantons ? Humanrights.ch fait le point sur cette question essentielle pour ceux qui veulent encore demander réparation. 

Des excuses officielles

Jusqu’au début des années 1980, les autorités de tutelle prenaient des mesures disproportionnées et arbitraires, comme l’internement administratif, contre des personnes de leurs communes au nom de la morale et de l’ordre public alors qu’elles n’avaient commis aucun délit. Les victimes ne pouvaient généralement pas s’exprimer face aux accusations et elles n’avaient pas de moyens juridiques pour se défendre contre ces mesures. Entre autres, de jeunes femmes étaient internées sans jugement par les autorités dans des établissements pénitenciers.

Les victimes de mesures administratives espéraient depuis longtemps une réhabilitation. Un petit groupe de femmes, autrefois détenues administratives dans le centre pénitentiaire pour femmes d’Hindelbank (BE), se sont organisées en 2007 pour obtenir une réparation morale. Après un important travail de lobbying, des représentants de la Confédération et des cantons ont officiellement adressé des excuses le 10 septembre 2010 aux victimes d’internements administratifs lors d’une cérémonie organisée à Hindelbank.

Les victimes de stérilisations forcées, d’adoptions forcées et les enfants placés attendent encore d’être réhabilités.

La nouvelle loi ne prévoit pas d’archives complètes

Pour les victimes, souvent seules face aux abus des autorités, il peut être important d’examiner leurs propres dossiers officiels. Ceux-ci les aident, d'une part, à comprendre ce qu'il leur est arrivé puisqu'elles étaient souvent laissées dans le flou, et, d'autre part, à demander réhabilitation et réparation. Avec l’imminente révision du droit de tutelle, de nombreux dossiers d’internés administratifs et d’autres victimes des autorités pourraient bientôt être perdus. Des séries de dossiers officiels risquent de ne pas être rassemblés de manière complète. Les archives pourraient n'en conserver simplement qu’une sélection pour garder une trace des actes des autorités.

Alors qu’il en avait la possibilité, le gouvernement n’a pas stipulé un prolongement des archives dans les dispositions juridiques sur la protection de l’adulte, le droit des personnes et le droit de la filiation. Pour assurer le droit de regard des victimes, il est pourtant important que le législateur clarifie la question de la gestion des dossiers. 

Suite aux excuses officielles de septembre 2010 aux anciennes détenues administratives, le conseiller national Paul Rechsteiner (PS/SG) a déposé en avril 2011 une initiative parlementaire en ce sens. Celle-ci demande que le gouvernement élabore une loi pour réhabiliter les personnes internées par mesures administratives et veiller à ce qu’elles aient accès sans restriction aux dossiers et à ce que ceux-ci soient archivés pour que toute la lumière soit faite sur le déroulement des événements.

Sonnette d’alarme en 2009: dossiers (en partie?) sécurisés

En attendant un éventuel changement législatif, le manque de règlementation dans la loi fédérale laisse aux archives cantonales la décision de savoir si un dossier des autorités de tutelle est conservé ou non. Interrogé en 2009 par humanrights.ch, l’archiviste Hans von Rütte tirait la sonnette d’alarme et pointait du doigt le risque de destruction de ces dossiers. Selon lui, il se peut que, dans le domaine de l’assistance, la plupart des dossiers soient détruits et qu’ils n’en gardent qu’une sélection représentative pour les archives. Il conseillait aux victimes de demander dès que possible l’accès complet aux registres officiels. 

Suite à l’article de décembre 2009 «Darf man Schicksale entsorgen?» de la revue Beobachter, la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf ainsi que les présidents de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) ont appelé en avril 2010 dans une lettre aux gouvernements cantonaux à veiller à ce que les dossiers concernant les internements administratifs soient sécurisés et protégés, d’après le blog de Dominique Strebel, rédacteur du Beobachter. Celui-ci écrit : «Il reste à espérer que les dossiers de stérilisations forcées, d’enfants placés et d’adoptions forcées seront eux aussi sauvés de la déchiqueteuse.»

Sources