19.02.2025
En décembre 2024, le Tribunal fédéral a conclu que l’instance précédente n’a pas violé l’interdiction de la discrimination ni le droit à l’égalité des chances lors de l’évaluation du droit du requérant à recevoir un enseignement intégratif. Mon Repos confirme qu’un enseignement séparatif au sein d’une école de pédagogie curative répond mieux aux besoins du requérant qu’un enseignement intégratif dans une école ordinaire. L’affaire est actuellement pendante devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

M., âgé de 10 ans, est suivi depuis mars 2018 par l’École de pédagogie curative. Après avoir reçu un diagnostic d’autisme infantile précoce, il bénéficie de différentes mesures de soutien, notamment des offres de «Kita Plus», ainsi que d’un soutien en pédagogie curative. En janvier 2021, la directrice de l’école ordinaire demande que M. suive un enseignement séparatif dans une école de pédagogie curative. Cette décision était basée sur la supposée déficience intellectuelle chez l’enfant, qui n’a cependant pas fait l’objet d’un diagnostic. À partir d’août 2021, l’autorité cantonale compétente ordonne une scolarisation dans une école de pédagogie curative.
Les parents de M. recourent contre cette décision et requièrent une scolarisation intégrative dans l’école ordinaire de leur lieu de domicile. Leur recours est toutefois rejeté dans un premier temps par le Département de la formation et de la culture du canton de Lucerne, puis par le tribunal cantonal. Les parents déposent alors un recours auprès du Tribunal fédéral le 2 mai 2022 invoquant une violation du droit d’être entendu, une constatation arbitraire des faits, ainsi qu’une application erronée, voire arbitraire du droit. Le Tribunal fédéral confirme l’exclusion de l’école ordinaire, mais reconnait dans le même temps que l’enseignement inclusif devait représenter la normalité. Les juges constatent que la non-scolarisation dans une école ordinaire constitue une inégalité de traitement.
La non-ratification du Protocole facultatif à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées ne permet pas aux parents du requérant de déposer une plainte auprès du Comité de l’ONU compétent; soutenus par Inclusion Handicap, ils déposent donc une plainte auprès du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, devant lequel l’affaire est actuellement pendante.
Trouble du spectre autistique (TSA)
Les troubles du spectre autistique, dont font partie le syndrome d’Asperger et l’autisme infantile précoce, sont des troubles profonds du développement. Ils se caractérisent par des altérations des interactions sociales réciproques, des capacités de communication restreints et des comportements stéréotypés. L’autisme infantile précoce concerne environ un pourcent de la population, les garçons étant deux à trois fois plus souvent diagnostiqués que les filles.
L’autisme infantile précoce apparaît avant l’âge de trois ans et se manifeste par des caractéristiques plus ou moins prononcées. Souvent, autant l’intelligence que le développement du langage sont altérés et les personnes concernées présentent des difficultés importantes dans les interactions sociales.
Éducation inclusive et droits des personnes en situation de handicap
Le droit à l’éducation inclusive et à l’égalité des chances est un élément central des droits humains et revêt une importance particulière tant au niveau international que national. Selon l’art. 24 al. 1 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), les personnes en situation de handicap ont droit à une éducation non discriminatoire et à l’accès à un système éducatif intégratif, qui encourage leurs capacités individuelles, leur permet de participer à la société et renforce leur dignité humaine. La discrimination dans le domaine de l’éducation est explicitement interdite; il faut donc veiller à ne pas exclure les personnes en situation de handicapé du système d’enseignement général en raison de leur handicap (art. 24 al. 2 CDPH). L’accès à une éducation inclusive de qualité dans l’enseignement primaire et secondaire doit leur être garanti, tout comme la mise à disposition d’un soutien approprié et de mesures d’accompagnement individualisé afin de faciliter leur éducation effective.
Interdiction de la discrimination et égalité de traitement inscrites dans la Constitution
La Constitution fédérale (Cst.) protège également les droits des personnes en situation de handicap. L’art. 8 al. 2 Cst. interdit la discrimination fondée sur une déficience corporelle, mentale ou psychique et protège contre les inégalités injustifiées. L’art. 8 al. 4 Cst. oblige quant à lui le législateur à éliminer les inégalités factuelles. Cette disposition vise à garantir à tous les individus l’égalité des chances et la possibilité de participer à la société. Le droit à un enseignement de base gratuit conformément à l’art. 19 Cst. garantit aussi aux enfants et jeunes en situation de handicap un accès à des offres de formation. L’État est par ailleurs responsable de la mise à disposition de places dans les écoles spécialisées.
L’intégration plutôt que l’exclusion
La loi sur l’égalité pour les personnes handicapées (LHand) ainsi que le concordat de 2007 sur la pédagogie spécialisée encouragent prioritairement l’intégration des enfants en situation de handicap dans l’école ordinaire. Selon l’art. 20 LHand, les cantons doivent soutenir les mesures intégratives pour qu’elles servent au bien de l’enfant. Cette priorité accordée à l’éducation inclusive découle du rôle central qu’elle revêt pour encourager la participation sociale et éliminer l’exclusion, comme le stipulent les articles 8 al. 2 Cst. et l’art. 20 al. 2 LHand. Il n’existe toutefois pas de droit absolu à l’intégration; la décision doit être centrée sur les besoins individuels et le bien-être de l’enfant.
Le Concordat sur la pédagogie spécialisée de 2007 souligne également l’importance de l’approche inclusive, notamment en privilégiant les solutions intégratives aux solutions séparatives (art. 2 let. b). Dans le canton de Lucerne, les dispositions correspondantes se trouvent dans la loi sur l’enseignement obligatoire, qui encourage l’éducation inclusive et qui ne prévoit des mesures séparatives que lorsqu’elles sont mieux à même de servir le bien-être de l’enfant. L’objectif de ces dispositions est de faciliter l’interaction avec les pairs qui ne se trouvent pas en situation de handicap, d’éliminer la discrimination et de renforcer la compréhension réciproque, ainsi que la diversité dans la vie scolaire. Ces mesures permettent de soutenir l’intégration sociale des enfants en situation de handicap dès que possible.
Alors que l’éducation inclusive est considérée comme la norme, des exceptions ne peuvent être envisagées que lorsque la mise en œuvre des mesures intégratives dans l’école ordinaire n’est pas réalisable. Les décisions en faveur d’un enseignement séparatif doivent être fondées sur des raisons motivées et doivent être basées sur les besoins spécifiques de l’enfant (art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant). Une mesure séparative est inadmissible lorsque les mesures de soutien nécessaires peuvent être fournies par l’école ordinaire. Néanmoins, la possibilité d’une scolarisation séparative reste envisageable si la mise en œuvre des mesures de soutien nécessaires ne peut être garantie dans le cadre éducatif intégratif.
Violation du droit d’être entendu et de l’appréciation des preuves
Le requérant invoque une violation de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst) et critique tant l’établissement des faits que l’appréciation des preuves réalisés par l’instance précédente. En vertu du droit d’être entendu, les personnes faisant l’objet d’une procédure devant une instance étatique doivent pouvoir faire valoir efficacement leurs arguments et influencer les critères de décision. Le requérant invoque une violation de ce droit, car il considère que l’instance précédente n’a pas suffisamment tenu compte de ses arguments. Le Tribunal fédéral rejette toutefois ce grief, estimant que l’instance précédente a suffisamment examiné les points pertinents de la procédure et que sa justification était fondée.
En ce qui concerne l’établissement des faits, le Tribunal fédéral constate que l’instance précédente a suffisamment examiné et motivé les aspects pertinents de la décision, notamment en ce qui concerne l’affectation du requérant à une école séparative en raison de ses besoins de soutien individuels et de ses limitations en matière de développement. L’instance précédente s’est appuyée sur un rapport psycho-éducatif et a jugé qu’une scolarisation intégrative était inefficace. Aucune violation de l’interdiction de discrimination (art. 24 CDPH) ou d’autres dispositions légales n’a été constatée, car la décision était objectivement justifiée et adaptée aux besoins spécifiques du requérant. Des clarifications complémentaires n’ont pas été jugées nécessaires.
Les conséquences désastreuses du rejet du recours par le Tribunal fédéral
Dans sa décision, le Tribunal fédéral précise que l’éducation inclusive dans les écoles ordinaires doit en principe être considérée comme la norme. Parallèlement, il reconnait que le fait de ne pas admettre un enfant dans une école ordinaire constitue une discrimination fondée sur le handicap. Selon le Tribunal fédéral, il est déjà suffisant que les motifs exposés sans autre justification par les autorités cantonales, selon lesquels la prise en charge et les mesures de soutien nécessaires au sein d’une classe ordinaire sont inapplicables, soient, «compréhensibles», sans avoir à procéder à un examen technique plus approfondi qui aurait potentiellement pu aboutir à une autre appréciation.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a malheureusement omis de spécifier des critères concrets qui auraient pu justifier une exception à la norme, et a choisi de renvoyer l’examen du grief de discrimination devant l’instance précédente. Il a été constaté que les besoins spécifiques du requérant, tels qu’une prise en charge individuelle intensive et un environnement structuré, pouvaient éventuellement être mieux couverts par un enseignement spécialisé externe, et il est difficile de savoir si des mesures renforcées au sein de l’école ordinaire auraient été suffisantes.
Dans cet arrêt, en renonçant à demander un examen plus approfondi, le Tribunal fédéral a considérablement restreint le droit à l’enseignement inclusif. En conséquence, de nombreux enfants en situation de handicap restent exclus de l’enseignement au sein d’écoles ordinaires.
Quellen
contact

Marianne Aeberhard
Responsable Projet Accès à la justice / Directrice de l'association
marianne.aeberhard@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Lu/Ma/Me/Ve